Genre phare du tournant des années 80 aux années 90, beaucoup regrettent que les beat
them all ne soient pas davantage
représentés sur Neo Geo. L'essor du support coïncide tout simplement
avec le déclin progressif de ce type de jeux, et la décision de SNK de s'investir à fond sur le
créneau du Vs Fighting.
Le genre s'éteint donc sur le système en février 1993 avec la
sortie de Sengoku 2, soit moins de trois ans après le lancement du MVS en
arcade ; il ne reviendra que sur le tard, avec un Sengoku 2001 développé
par Noise Factory.
Les beat them all les plus représentatifs de la Neo Geo sont
donc peu nombreux ; ce ne sont pas nécessairement les jeux les plus acclamés du
support, mais ils restent des titres prisés, surtout sur console AES. Je vous
propose donc d'en faire le tour le temps d'un comparatif qui je l'espère vous
aidera par la même occasion à choisir à quels titres consacrer votre temps
(voire votre argent).
Je n'ai pas Ashita No Joe / Legend of Success Joe, et ne l'intègre pas au comparatif. Ne m'en veuillez pas. |
Les 6 titres qu'on va passer en revue seront:
Ninja combat (1990)
Sengoku (1991)
Burning Fight (1991)
Robo Army (1991)
Mutation Nation (1992)
Sengoku 2 (1993)
Vitrine technique
Techniquement, les premiers beat them all du support, Ninja
Combat (d'ADK) et Sengoku Densyo étaient une belle vitrine technique pour le
MVS en 1990-1991. Ils affichaient des sprites gros, nombreux et colorés, et
séduisaient aussi les curieux des salles d'arcade par leurs atouts
sonores, avec des digits vocales nombreuses et des bruitages qui claquent. Aujourd'hui ces premiers
titres ont assez triste mine, mais il faut se souvenir de ce qu'était leur
concurrence en arcade au moment de leur sortie : les bornes Double Dragon,
Combatribes, Crime Fighters ou Tortues Ninja étaient larguées – et ne parlons
même pas de ce qui tournait sur console de salon. Seuls les titres CPS1 étaient
au-dessus, mais ils étaient alors véritablement exceptionnels; en 1989 Capcom
avait assommé tout le monde avec Final Fight, qui graphiquement surnageait complètement au milieu de ce qui se faisait par ailleurs.
A l'époque, on voyait ça, c'était assez pour mettre 5 francs. Et jouer 2 minutes. |
Avec ses beat them all, SNK a donc eu du chemin à parcourir,
et avec ses premières sorties il s'est efforcé de le faire dans l'urgence. Si
en 1991, Burning Fight restait relativement maladroit techniquement, Robo Army
annonçait de rapides progrès, et en 1992, Mutation Nation se classait parmi les
plus beaux jeux du genre. Assez logiquement, lui et Sengoku 2 dominent donc le
comparatif technique, alors que pour Ninja Combat et Sengoku 1 on se
contentera de faire valoir le charme de leur désuétude, avec leur animation
gauche et leur trait assez grossier.
Cette scène là, on y arrivait, on faisait "Ooooh, un gros crâne"... Et dans la minute il fallait remettre 5 francs. |
Quelles que soient leurs qualités techniques, ces 6 beat them
all ont en tous les cas tous leur attrait plus ou moins pervers pour le joueur
rétro. L'environnement fantastique hors-norme des Sengoku reste un de leurs
points forts ; quant aux autres jeux de la liste, ils ont tous pris une
patine kitsch des plus plaisantes pour qui saura apprécier de se castagner au
milieu des ninjas, des cyborgs, des mutants, des catcheurs et autres stars de
l'action des années 80-90. Chacun sera diversement sensible à
cette nébuleuse qu'on appelle souvent « l'ambiance » de ces titres,
qui ont tous leur charme.
Parcours du combattant
Et dans un genre marqué par sa répétitivité, il est important
de développer une atmosphère qui parvienne à accrocher le joueur, notamment au moyen d'un parcours qui ne le lasse pas de cogner sur le bouton. Il y a pour cela plusieurs recettes éprouvées, que chacun des 6 titres décline à sa
manière :
1) la segmentation en séquences de confrontations plus ou
moins distinctes, avec des combinaisons d'ennemis communs, ou l'intervention
d'ennemis particuliers. Sengoku et Robo Army sont des modèles d'efficacité,
avec une progression en segments successifs clairement identifiables et
demandant au joueur des actions bien particulières pour s'en tirer de manière
optimale. Robo Army varie les difficultés et ennemis rencontrés au fil des
niveaux juste ce qu'il faut pour relancer l'intérêt, avec une économie de
moyens (mines, parachutage d'ennemis, et déclinaisons du trouffion robot de base)
dont l'astuce force le respect. Sengoku, lui, y parvient grâce à des ennemis
« communs » aux comportements très marqués et demandant des façons de
faire aussi différentes que particulières, ainsi qu'à des boss nombreux et
souvent uniques.
2) l'apparition, justement, d'ennemis qui sortent du lot
(bosses et mi-bosses). Les 6 jeux recyclent ces confrontations de manière assez
convenue (ie, on se les tape plusieurs fois en diverses occasions, notamment
lors du dernier niveau, merci SNK). Le seul qui à mon sens se distingue, mais
négativement, de ce point de vue, c'est Mutation Nation. Les mi-bosses y sont
ressassés avec une régularité qui me semble plus fastidieuse que dans les autres
titres, sans doute du fait du manque de challenge et de mise en scène pour les
intégrer à une progression que je trouve déjà assez plate par ailleurs. Avec
des petits riens, les autres jeux gèrent mieux la réutilisation de leurs
sprites. Burning Fight, par exemple, fait revenir certains mi-bosses en simples
palette-swaps renommés, ou met en scène la fuite et le retour de certains ennemis, qui
parviennent à véritablement y atteindre le statut de « personnages ».
3) l'alternance de phases de jeu : communément, des
phases d'évitement ou d'adresse. L'exemple typique de ce genre de diversion,
c'est Alien Storm de Sega, et ses phases de tir ou de courses pour changer un
peu de la castagne habituelle. On en trouve l'un dans l'autre assez peu dans
les 6 jeux sélectionnés. Sengoku 2 intercale de temps en temps une poursuite à
cheval, et Robo Army fait intervenir le bonus de transformation en buggy qui
permet d'écrabouiller les ennemis, et c'est à peu près tout.
4) divers artifices de mise en scène dans la progression. Les
plus communs sont la localisation sur une plate-forme en mouvement (train,
bateau, avion, tapis-roulant, ascenseur) associée ou non à un défilement
vertical, à la restriction de l'aire de combat, ou à une phase de jeu telle que
décrite plus haut. Le procédé ne génère qu'une légère variation de l'action
routinière, mais, bien intégré au parcours, il peut effectivement contribuer à le
rendre un peu plus vivace. Burning Fight par exemple dispose de suffisamment de
richesse graphique pour que ces petites séquences s'intègrent assez
naturellement à son parcours.
L'un dans l'autre, sur cet aspect qui a directement trait à
la conception du jeu et au savoir-faire des équipes en la matière, je dirais
que les plus efficaces sont Sengoku et Robo Army alors qu'à l'inverse j'ai trouvé
que Mutation Nation récitait ses gammes de manière somme toute assez monotone.
Gameplay
La fonction première du beat them all, c'est d'être un
défouloir. La première chose qu'on y regarde donc, c'est ce que le jeu a à
offrir dans le domaine du pétage de reins. Et c'est là sans doute ce qui divise
le plus ces 6 jeux.
Mutation Nation et Burning Fight seront immédiatement
familiers à tous les joueurs, avec des mécaniques tout à fait conformes aux
normes du genre: on presse le bouton, on enchaîne, on recommence.
Mutation Nation se montre particulièrement apte dans ce domaine, avec de longs
combos aux impacts visuels et sonores d'une violence assez savoureuse. Ninja
Combat est lui aussi du genre bourrin, mais avec essentiellement des attaques à
distance – quoi que la taille des armes de corps à corps a un genre de
brutalité comique assez plaisante aussi.
Et chpaf! |
Les deux Sengoku ainsi que Robo Army font eux plutôt appel à la
précision du joueur. Pour y réussir, il ne faut pas cogner comme un
sonné, mais le faire efficacement, au bon endroit, au bon moment, et parfois
avec une exactitude redoutable. Ces trois jeux y ajoutent un soupçon de gestion
de ressources, de manière simple et habile: dans les Sengoku, il faut gérer ses
bonus et ses transformations ; dans Robo Army, c'est le remplissage de sa
jauge d'énergie et l'utilisation limitée des armes ramassées en chemin. Ca
semblera complètement anecdotique à qui ne recherche que la baston
bourre-bouton, mais ouvrira de grosses marges de progression à qui se donne la
peine de ne pas consommer les crédits comme des cacahouètes grillées, et de
creuser un peu le gameplay, qui dans le cas de Sengoku se révèle aussi brut
qu'ingénieux et exigeant dans la mémorisation des séquences, avec des marges de progressions vertigineuses.
Sengoku: juste épique! |
Plein de promesses avec ses 3 combos différentes et ses
pastilles de pouvoir, j'ai trouvé que les mécaniques de Mutation Nation étaient
au bout du compte moins intéressantes que les simples armes à ramasser de
Burning Fight, qui pourtant n'offrent rien de neuf par rapport aux classiques
du genre. Quant à Ninja Combat, il a ceci de rigolo que la plupart du plupart
du temps il est préférable de garder les shuriken de base que de ramasser une
arme !
Nos 6 jeux se divisent donc en deux catégories bien
distinctes : trois offrent un gameplay relativement familier et superficiel (et ce n'est pas
faire affront à un beat them all que de dire ça) ; les trois autres
proposent une profondeur que certains apprécieront, mais que d'autres
trouveront superflue, peut-être déplacée dans ce type de jeu… Voire ne
trouveront pas du tout ! Ce qui serait vraiment dommage étant donné
l'effort fourni par les équipes de SNK pour donner un peu d'épaisseur à un genre sinon marqué par sa
répétitivité.
En fait, il faut dire ce qui est: Capcom a tellement durablement façonné le genre qu'il est désormais difficile de ne pas approcher tous les beat them all à leur manière. Ce serait avoir une vision réductrice du genre, et en l'occurrence de ce que peuvent avoir à offrir ces 6 jeux. Car contrairement à ce que Burning Fight, connu pour être un clone de Final Fight, semble avoir imprimé dans l'esprit de beaucoup de joueurs, ces beat them all de la Neo Geo sont autant de tentatives d'exploration d'un genre qui demande du savoir-faire pour ne pas être rapidement barbant. Aborder les Sengoku ou Robo Army comme des jeux de castagne lambda, ce serait passer complètement à côté de ce qu'ils
ont à offrir.
Mutation Nation, avec son système de combat très proche des
titres Capcom d'un côté et ses pouvoirs spéciaux de l'autre, avait peut-être
l'ambition de faire la synthèse entre cette castagne cogne-bouton et le
pierre-feuille-ciseau des Sengoku, mais selon moi il manque clairement sa cible sur ce
deuxième point.
Au final, quel est le meilleur ?
Difficile d'avoir une réponse définitive à la question; tout ce que je peux vous dire, c'est que Sengoku et Robo Army sont mes préférés, et que ce dernier semble être le plus populaire dans la communauté Neo Geo.
Cette offre de 6 jeux, qu'on présente souvent comme mince, je la trouve en fin de compte très riche, dans le sens où chaque titre explore une facette différente du genre, à laquelle chacun sera plus ou moins habitué ou sensible.
Cette offre de 6 jeux, qu'on présente souvent comme mince, je la trouve en fin de compte très riche, dans le sens où chaque titre explore une facette différente du genre, à laquelle chacun sera plus ou moins habitué ou sensible.
On a d'une part Mutation Nation et Burning Fight, qui sont les plus accessibles et susceptibles
de convenir à qui cherche simplement une bonne baston, et à l'opposé on trouve Sengoku et Robo Army, qui sont des défis d'adresse, de mémorisation et de persévérance. Sengoku 2 se trouve un peu à la croisée de ces chemins, et peut s'aborder des deux
façons sans toutefois à mon sens vraiment exceller dans aucune - par contre, quel trip il offre!
Ninja Combat, enfin… Ninja Combat peut faire valoir plusieurs
charmes, mais pas vraiment de qualités ludiques qui justifieraient qu'on le
préfère aux autres.
Si ça ne vous suffit pas pour faire votre choix, vous pouvez poursuivre votre lecture avec les tests individuels de chacun des 6 jeux:
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