vendredi 17 janvier 2020

Fight Fever

Fight Fever (Viccom)
Test rapide de Fight Fever sur Neo Geo (Viccom)
Sortie originale: Neo Geo MVS (1994)
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C'était une affaire de temps. Je ne voulais pas me l'avouer mais au fond de moi je le savais bien: forcément qu'un jour je me procurerais une copie de Fight Fever. Le goût du nanar, peut-être, mais, je m'en rends compte aussi, un appétit toujours intact pour tous les jeux de baston de cette période. Et il y a beau y en avoir eu des cagettes, j'en suis finalement bel et bien arrivé là: j'ai acheté, avec des vrais sous durement gagnés, celui qui est réputé être le pire spécimen du genre sur Neo Geo.

Dans l'enfer du taekwondo, personne ne vous entendra crier.

Taekwando et bateaux-tortues

Alors il faut dire que je suis vraiment bon public avec ce genre de jeux. Autant avec les shoots je peux pinailler ou être rebuté par des détails, autant pour les jeux de baston, c'est simple, un rien m'excite.

Au centre du monde du taekwondo, il y a la Corée.

Déjà c'est un jeu coréen, et ça c'est super. Attention, on parle d'un autre temps - on n'en était même pas encore à ce que les développeurs coréens deviennent la planche de salut de SNK Playmore. C'est encore l'époque où on parlait de la Corée comme d'un "pays émergent", où on y piratait les jeux japonais à tour de bras, et où Samsung, par exemple, en plus de fourguer ses télés, éditait sur Megadrive un clone de shoot Toaplan avec un bateau-tortue ("geobukseon") à la place d'un biplan. C'est pour les arcades coréennes de 1994, donc, que feu Viccom a pondu ce pompage de Street Fighter II sur Neo Geo - et sa star à lui, c'est une autre gloire nationale: le Taekwondo. C'était comme ça, les grandes nations avaient ce genre de besoins: un peu de la même façon que la Turquie a eu son Turkish Star Wars, la Corée a eu son Korean Street Fighter, en quelque sorte.

Un casting qui envoie du steak, du pâté, et même de la saucisse à vrai dire.

Korean Street Fighter

Le jeu a été développé en collaboration avec SNK, car il se trouve qu'en plus d'avoir des accords de distribution avec eux, le patron de la boîte était ami avec ceux de Viccom (au point de faire donner leurs noms aux personnages Kim Kap-Hwan et Kim Jae-Hoon de Fatal Fury). Cette aide de SNK est particulièrement notable au niveau de l'audio, qui emprunte beaucoup d'échantillons à Art of Fighting et Fatal Fury Special. D'ailleurs, c'est sûrement la partie où le jeu s'en tire le mieux, parce qu'a contrario, graphiquement, c'est quand même pas terrible. Les décors sont convenables et la mise en couleur pas trop choquante, mais les personnages sont assez mal détourés, et animés de façon assez maladroite, la faute à une décomposition minimaliste et à une anatomie tendant parfois carrément au bizarroïde.

La meuf déguisée en Vega mitraille à coups de pieds avec le même son que Robert dans Art of Fighting.

Ca en a la couleur... Mais aussi comme l'odeur.

La physique des combats, elle aussi, rappelle beaucoup les deux franchises SNK, avec des coups, contrôles et mécaniques récupérés chez l'une ou chez l'autre. Un mix d'autant plus étrange qu'il est complètement approximatif. Les coups spéciaux sont tatillons, les commandes n'autorisent aucun enchaînement (par exemple, après une parade, il faut d'abord regagner une pose neutre pour espérer balancer un spécial), et surtout les hitboxes sont un vaste merdier.

Chpoc! Le clone de clone se fait recoiffer le mulet à coup de rangers.

Pour illustrer: comme souvent, des coups différents sortent selon la distance entre les deux adversaires. Normal - sauf qu'ici le "coup proche" part aussi souvent dans le vide que dans le nez de l'autre... Alors que le "coup de loin", lui, aurait touché! Secouez ça avec les divers gabarits des personnages, la façon dont ceux-ci varient selon la pose ou le coup porté, saupoudrez de pains qui touchent sans pour autant causer de dommages et vous obtenez un bordel stupéfiant dont la lecture demande un certain temps d'adaptation, ainsi qu'une sacrée tolérance à la connerie.

Impossible pour Magic Dunker de coller un standing D à Rophen Heimer. Non, sans blague: même collé à lui, ça whiffe! 

Pas mal de persévérance, aussi, à vrai dire, puisqu'en plus de tout ça, le jeu vous opposera une IA conforme au reste: dé-gueu-lasse!


Tout le monde a sa fireball. Mais contre le CPU il faut la mettre à la relevée, sinon le contre est quasi fatal.

Et donc, du coup, poubelle?

Ben bien sûr que non, pas poubelle. Je vous l'ai dit, moi j'arrive toujours (ok, "presque toujours") à trouver quelque chose à aimer dans ces jeux-là. De nouveaux paramètres pour se fritter (mécaniques et personnages), un casting totalement ébouriffant, des gags pugilistiques improbables, un jeu à deux qui parvient malgré tout à être rigolo, le tout dans une atmosphère graphique et sonore qui, à défaut d'être réussie, est totalement caractéristique d'une période que j'aime bien, et me voilà content. Il y flotte en plus l'odeur du plagiaire sans scrupules, de l'exotisme tiers-mondique, et d'un authentique enthousiasme pour le genre qui me l'ont rendu très attachant.

Vous avouerez qu'on ne voit pas ça partout.

En termes un peu objectifs, Fight Fever n'est donc effectivement pas bon. Il est même franchement mauvais - mais il ne l'est pas suffisamment (ou alors il l'est trop, c'est selon), pour que l'on doive nécessairement s'en détourner. Il faut être vicieux pour l'apprécier, oui, mais si vous avez lu ce test jusqu'au bout, il y a quand même bien une petite chance pour que vous le soyez un peu.



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