Toaplan fait partie de ces éditeurs qui, sans être vraiment obscurs, n'ont jamais été vraiment mis sur le devant de la scène ni par le grand public ni par la critique, et qui ne suscitent l'admiration que d'une poignée de mordus. Généralement, ce sont des fans de shoot them up, puisque c'est dans ce genre que l'éditeur s'est largement spécialisé...
Si certains titres de cet éditeur japonais ont bien eu du succès, aucun n'a connu le retentissement majeur qui aurait imprimé son nom dans les mémoires de toute une génération, ou le ferait citer en exemple. Certains se souviendront de Batsugun, considéré comme le père du Danmaku (ou bullet hell ou manic shooter), ou de l'éditeur Cave (fondé par des ex-Toaplan quand la boîte a coulé) qui a justement approfondi le genre... Mais Toaplan ne nous laisse aucune véritable bombe ludique ou technique.
L'intérêt de la production Toaplan, et son véritable héritage réside plutôt dans son exploration quasi maniaque d'un genre particulièrement populaire durant ses 10 années d'activité (1984-1994): le shoot them up vertical. L'abondance, la simplicité et l'ingéniosité de leurs shoots en ont fait, mine de rien, une référence - pas des plus illustres, certes, mais une référence quand même.
Faites donc le test auprès de tous les accrocs de la Megadrive à l'époque: il y a de fortes chances qu'au moins un titre Toaplan leur dise quelque chose - sans qu'ils connaissent forcément le nom de l'éditeur, d'ailleurs. Et pour cause: avec 6 shoot them up verticaux et 2 horizontaux adaptés sur la machine, ils sont la première source de jeux du genre sur la console et l'un des développeurs d'arcade qui y ont été les plus adaptés - y compris par Sega lui-même.
Je vous propose de faire le tour de ces spécialités Toaplan: les 6 de leurs shoots verticaux qui ont été portés sur Megadrive.
L'arcade à la maison
Il est important de rappeler que ce que Toaplan fait, ce sont des jeux d'arcade - pas des jeux pour consoles. Depuis Space Invaders et jusqu'au début des années 90, la popularité des shoot them up verticaux ne s'y est pas démentie. Et ils y évoluent, mais lentement: à la fin des années 80, période où Toaplan va largement sévir, les fondamentaux sont encore très présents: flinguer des trucs, ramasser des bonus, et viser le high score face à une difficulté de plus en plus brutale. A l'époque, le shoot était un genre que je comparerais assez au flipper.
Et c'est d'ailleurs ce qui fait le charme -désuet, mais pas que- de ces jeux. Personnellement, y rejouer m'a fait ouvrir un petit calepin à Hi-Scores - alors qu'avec la grande majorité des shoots post 1990, juste un peu plus scénarisés et sophistiqués, je ne regarde que si j'ai fini le jeu (ou à quel endroit je suis arrivé). Et ce n'est pas uniquement faute d'objectifs moins sommaires: c'est parce que ces jeux, leurs vagues d'ennemis, leurs systèmes de points et de bonus, étaient effectivement conçus dans une optique de chasse au hi-score.
Techniquement, c'est un petit peu la même économie d'effets: on a souvent affaire à des jeux sobres, pratiques et efficaces. Le genre sans fioritures, quoi.
Bref, ces jeux Toaplan, ils s'inscrivent dans ce contexte là, celui du début des 16 bits où les jeux étaient essentiellement importés de l'arcade - et où globalement on s'emmerdait assez peu à les "consoliser" (ie, les agrémenter d'options, de scénarisation, ou même d'une difficulté plus souple que "on te laisse en avoir pour tes sous pendant 5 minutes et après soit tu lâches la borne, soit tu claques plein de crédits"). Seuls les sorties tardives de Slap Fight et V-Five ont fait l'objet d'un véritable travail d'adaptation au support domestique par Tengen.
A l'époque de leur sortie, ça a fait de plus en plus grincer les dents, car le temps passant on en venait à attendre davantage de souplesse et de sophistication - surtout à partir du moment où des shoots produits spécifiquement pour les consoles de salon ont établi de nouveaux standards de qualité.
En 1990 se traçait un trait dans le sable avec les sorties de Super Star Soldier sur PC Engine, Thunder Force III et M.U.S.H.A. Aleste sur Megadrive... Dans ces conditions, il fallait que Treco n'ait honte de rien pour sortir l'année d'après une adaptation moche d'un Kyukyoku Tiger vieux de 4 ans...
En 1990 se traçait un trait dans le sable avec les sorties de Super Star Soldier sur PC Engine, Thunder Force III et M.U.S.H.A. Aleste sur Megadrive... Dans ces conditions, il fallait que Treco n'ait honte de rien pour sortir l'année d'après une adaptation moche d'un Kyukyoku Tiger vieux de 4 ans...
Mais aujourd'hui ce côté primaire est l'un des caractères distinctifs de ces shoots. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'ils n'ont pas apporté chacun leur petit lot d'originalité... Au-delà de l'environnement graphique et sonore, chacun de ces jeux offrait une variation simple mais souvent ingénieuse, d'une recette qui était encore en train d'être éprouvée.
La recette Toaplan
Passons donc en revue les traits plus ou moins communs de ces shoot them up...
Scrolling Latéral : Tous les Shoots retenus ici sont des verticaux. Cependant, plusieurs étendent la zone de combat en faisant défiler le décor sur les côtés au gré des mouvements latéraux du vaisseau.
3:4 en 4:3 : En arcade, la plupart des shoots Toaplan étaient dans des bornes dont l'écran était disposé verticalement (en 3:4 / Tate plutôt qu'en 4:3 / Yoko, donc). La majorité des adaptations Megadrive est connue pour avoir conservé ce format 3:4... mais à destination d'un écran domestique positionné en 4:3, en le rognant donc sur le côté droit. En résulte la tristement célèbre bande noire entièrement consacrée à l'affichage des comptes (score, vies, bombes, etc) pour modérer l'impact sur l'étendue de l'aire de jeu.
Bombe : L'indispensable bombe qui fait boum. Dans certains jeux, son effet est immédiat (je presse, ça fait boum); dans d'autres il est différé (je presse, il faut un temps avant que ça ne fasse boum), ce qui oblige à anticiper - lorsque c'est possible - pour en tirer le bénéfice.
Bonus : Faire évoluer son armement nécessite de ramasser des bonus. Ils n'ont cependant pas toujours le même comportement. Soit ils sont fixes, soit ils descendent depuis le haut de l'écran (ou l'endroit d'où ils ont été libérés), soit ils se promènent longuement sur l'écran avant d'en sortir.
Système d'armes : Directement lié au ramassage de bonus, l'armement du vaisseau peut évoluer de différentes façons. Ou pas, d'ailleurs. Voici les différentes options qui ont été utilisées, et qui font souvent beaucoup de la singularité de chaque jeu.
>>> Unique : il n'y a qu'un type de tir, bim, c'est réglé.
>>> Pastille : on change d'arme en ramassant une pastille de couleur correspondant à chacune. La pastille peut être fixe ou changeante (elle change de couleur, attribuant donc une arme différente au gré de ces changements).
>>> Banque : on cumule des bonus jusqu'à en avoir suffisamment pour sélectionner l'arme désirée ; c'est le système « Gradius ».
Power up : Le système d'armes se complète généralement de Power Ups, des bonus renforçant la puissance de l'arme équipée. Parfois un bonus la fait monter d'un cran, parfois il en faut plusieurs pour lui faire franchir un palier.
Pour référence, ce tableau récapitule les particularités de chacun de ces 6 jeux, listés par année de sortie en arcade. De manière très subjective, j'ai fait apparaître en vert plus prononcé celles qui me semblaient être des atouts (techniques ou ludiques) - et en rouge celles qui me semblaient être des défauts. Les jeux y apparaissent sous leurs titres japonais; en cas de doute, voyez le récapitulatif qui suit.
Slap Fight
La musique du remake "MD" de Slapfight est signée Yuzo Koshiro. N'empêche qu'elle pique la tête! |
Ce qui en ressort: Le premier sorti en arcade, mais un des derniers sortis sur MD. Il a plusieurs originalités. La première, c'est le système d'armement pompé sur Gradius, et qui n'est pas la norme chez Toaplan. La seconde, c'est la modification de l'aspect physique du vaisseau (et de sa hitbox) en contrepartie de l'équipement d'un nouvel armement. Et enfin, c'est que la cartouche Megadrive contient 2 versions du jeu: une première fidèle à l'arcade, une autre qui est un genre de remake exclusif à la Megadrive. Les deux versions ont le mérite de se distinguer des autres jeux de cette série, mais elles sont pas bien jolies, pénibles à entendre (les tirs incessants et -rhâââ!- le bip-bip du Shield) et d'autant plus difficiles que les contrôles sont raides et l'écran pas toujours très lisible. Quant au système d'armement, son caractère distinctif, au final... Ben il n'est pas franchement intéressant: on sélectionne toujours la même chose. En somme, c'est un jeu de collectionneur - mais pas un titre représentatif de l'éditeur, et loin d'être son meilleur.
Au final: Bof
Kyukyoku Tiger (Twin Cobra)
Il a fallu 4Mb à TechnoSoft pour ThunderForce III. Et 5 Mb à Treco pour cochonner Kyukyoku Tiger. |
Ce qui en ressort: Mon titre préféré, même si cette adaptation MD est laide. Kyukyoku Tiger réunit les petites mécaniques de jeu les plus efficaces, et les allie à un environnement ennemi nombreux et pressant, une action constante et une tension soutenue. Attendez-vous à devoir jouer en Easy: cette adaptation est connue pour sa difficulté assez grotesque.
Au final: Très bon
Tatsujin (Truxton)
Tatsujin et son arme qui fait du bleu. C'était ça ou la bombe-crâne. |
Ce qui en ressort: On s'en souvient comme l'un des premiers shoots de la console, que Sega avait adapté lui-même. Comparé aux sorties ultérieures, il ne s'en sort pas mal, avec des graphismes simples mais très joliment colorés et agréables à regarder, des armes visuellement chouettes et plutôt équilibrées, ce qui ne va pas de soi. C'est un très bon titre, dont je regrette juste le déroulement assez lent et séquencé (limite Galaguesque). Avec son esthétique un peu "Heavy Metal in Space", davantage de vitesse, de rythme, et une bande son plus pêchue auraient amené le jeu un cran au-dessus.
Au final: Très bon
Daisenpu (Twin Hawk)
Dans DaisenPu, il faut dégommer les divisions blindées amphibies du tyran de Belgique à coups de fléchettes Nerf |
Ce qui en ressort: Lui aussi adapté très tôt dans la vie de la console par Sega, il n'avait alors pas déchaîné les passions. Il ne le fait toujours pas. Son caractère distinctif (un escadron qui peut accompagner l'avion qu'on pilote, et kamikazer les méchants) est plus un accroche-badaud de salle d'arcade qu'un vrai atout en termes de jeu. Et c'est probablement du fait de sa présence que les développeurs n'ont intégré que des ennemis terrestres - ce qui évidemment limite le type de menaces auxquelles on peut être confronté. En plus de ça, on ne dispose que d'une arme (du tir devant soi qu'on peut étendre - et encore, de manière assez limitée), la zone de jeu est étroite (elle ne scrolle pas sur les côtés), et l'environnement, sans être franchement laid, est assez tristoune. Comme en plus ce qu'on peut lui trouver d'original (l'escadron) s'avère en fait pas spécialement intéressant, il y a de quoi craindre le pire. Mais comme les fondamentaux sont assurés honnêtement et que les ennemis arrosent copieusement, on se surprend malgré tout à se prendre au jeu au rythme de ses musiques martiales plutôt réussies.
Au final: Assez Bon
Same! Same! Same! (Fire Shark)
Biplans, zeppelins, et chars tri-canons, il y a du concept dans Same! Same! Same! |
Ce qui en ressort: Dans Fire Shark, on est également aux commandes d'un avion (un biplan, cette fois), mais dans un environnement plus fantaisiste que dans Twin Hawk. Plus coloré, animé et mouvementé, aussi. C'est un titre très sympa, qui reprend des mécaniques utilisées dans Kyukyoku Tiger (les bonus baladeurs, c'est un bon truc, ça) et Tatsujin (3 armes/pastilles de couleur, qui progressent en puissance par paliers). L'action souffre cependant de quelques temps morts, impression renforcée par un déséquilibre franchement regrettable au niveau de l'armement: une fois améliorée, l'arme rouge devient l'arme Rocco - celle qui nique tout, à fond, et dans tous les sens. A partir de là on ne meurt plus que par accident bête ou contre un boss - avant de n'attendre qu'une chose: revenir à une arme rouge gavée de power ups.
Au final: Bon
V-Five (Grind Stormer)
Dans V-Five, il faut éradiquer des streums aux couleurs criardes qui baignent dans du vomi. |
Ce qui en ressort: Comme avec Slap Fight, Tengen a sorti une adaptation 2 en 1, correspondant aux deux versions du jeu sorties en arcade: V-V (V-Five) et Grind Stormer. La première adopte un système d'armement Gradiusesque incluant un shield, comme dans Slap Fight, et octroie des bonifications de points en fin de niveau; la seconde distribue les power-ups de façon classique, donne accès à des bombes pour compenser l'absence de bouclier et met davantage l'accent sur les bonus de points à ramasser. Dans les deux cas, la difficulté est brutale et les graphismes d'une laideur déplorable. Si on arrive à aller au-delà de ça, le jeu offre un système de scoring excellent et un challenge énorme, et les fans de l'éditeur verront dans son gameplay le chaînon entre Tatsujin et Batsugun. Un jeu qui a des qualités, donc, mais qui n'est susceptible de plaire qu'aux plus inconditionnels du genre et de l'éditeur.
Au final: Bon
... et en bonus
La musique du niveau 1 de MUSHA Aleste donne toujours la chair de poule... |
L'excellent MUSHA Aleste a bien été publié par Toaplan... Mais développé par Compile.
Raiden présente quand même des différences par rapport au Toaplan. Par exemple, des vaches au sol. |
Conclusion et mise en garde
Attention, le Toaplan, ça reste quand même du vice de mordu de shoot et/ou de collectionneur. Les cartouches originales, surtout en boîte, ne s'achètent pas comme des Pez. Les cotes des deux derniers sortis (V-Five et surtout Slap Fight) atteignent même des niveaux carrément débiles. Disons les choses comme elles sont: ce ne sont pas des jeux à acquérir dans ces conditions pour leurs seules qualités ludiques.
Le joueur moyen qui serait curieux de (re)découvrir ces shoots à la mode d'antan commencera par renifler du côté de Tatsujin (le plus répandu), Kyukyoku Tiger ou Same! Same! Same!
Le joueur moyen qui serait curieux de (re)découvrir ces shoots à la mode d'antan commencera par renifler du côté de Tatsujin (le plus répandu), Kyukyoku Tiger ou Same! Same! Same!
Tatsujin: de la bonne camelote! |
Et bien moi, j'ai du mal avec Kyukyoku Tiger il est trop moche et trop dur donc ça me saoule. J'aime beaucoup same same same avec sa musique métallique typique de la Megadrive. v five et salp fight ne valent pas le coup d'être achetés vu le tarif exorbitant, ce sont des jeux très moyens. A quand un article sur les shoots horizontaux de Toaplan, notamment zer wing que j'adore?
RépondreSupprimerHey lieutenant; désolé, je suis passé complètement à côté de ton commentaire.
RépondreSupprimerA quand, je ne sais pas, mais comme toi j'aime beaucoup Zero Wing et plus encore Hellfire, donc ça viendra probablement ;)