Affichage des articles dont le libellé est Les gros laids de la baston sur MD. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Les gros laids de la baston sur MD. Afficher tous les articles

samedi 31 octobre 2015

Les gros laids de la baston intergalactique


C'est le dernier volet de la série - vous comprendrez bien qu'après ça, c'était plus la peine de continuer...

Ce dernier volet de notre odyssée de la baston laide sur Megadrive est consacré à trois jeux qui ont décidé que la terre était un tatami trop petit pour eux.
Trois compétitions de coups de latte réunissant des combattants d'outre-espace.
Trois specimens de nanarderie aggravée.
Trois perles débilocentriques qui ont fait de la grosse laideur leur thématique principale.

Il s'agit de Mighty Morphin Power Rangers, Fatman (aka, Tongue of the Fatman, aka Slaughtersports) et Fighting Masters.

Fait notable, tous trois sont des Versus Fighters pur jus, mais seul le premier suit les préceptes de Street Fighter II - les deux autres étant sortis respectivement en 1990 et 1991. On pourra donc en outre se délecter, les concernant, d'un système de combat original.



Mighty Morphin Power Rangers (Banpresto, 1994)

On commence pas mal avec un jeu de Versus Fighting dont les héros sont les Power Rangers - c'est à dire rien d'autre qu'une déclinaison des Bioman. Donc forcément, quand on est cultivé, on y joue avec la parodie "Biouman" des inconnus en tête.Les gens de ma génération seront bien sûr déçus qu'il ne s'agisse pas des vrais Biouman... Mais ne faisons pas trop la fine bouche, la différence n'est que superficielle: on a du bon gros monstre en caoutchouc qui fait couic-couic, du mecha-de-l'espace qu'on appelle en jouant du pipeau, et du grand méchant diabolique qui tire les ficelles de la dimension Zboub. De ce point de vue là, il n'y a pas à se plaindre, Banpresto a fait du bon fan-service, et on se surprend à moitié à sourire en regardant les petites cinématiques entre les combats du mode 1 joueur.

"Tut-tulu-tut-tut-tuuu!" On a régulièrement droit à la musique des Power Rangers. Et on sourit malgré soi.

Du point de vue de la réalisation, ça ne vole vraiment pas haut, surtout pour un titre paru en 1994, mais ça tourne de manière tout à fait honnête - et se montre plutôt comique lorsque c'est raté, comme ce bruit super improbable que fait la pétoire laser des Rangers.


Le Power Ranger noir flingue le minotaure en caoutchouc comme Blier flingue les chinois dans les Barbouzes: "ptuh!".

Le système de combat s'adressait de toute évidence aux plus jeunes et aux novices, avec seulement deux boutons d'action (coup rapide/coup fort) et des coups spéciaux demandant les manipulations les plus habituelles et simples à réaliser (quarts de tour, direction maintenue/direction opposée, martelage de bouton...). Il est juste dommage que leur détection soit un peu tatillonne, d'autant que les bonhommes se manient sinon bien. Mais dans l'ensemble on tient un jeu adapté au contrôleur de base de la console, et vraiment facile d'accès, ce qui est bien ce qu'on cherche! 
Le revers de la médaille, c'est évidemment qu'on en fait rapidement le tour, d'autant que sur les 12 bonhommes jouables en versus, la moitié sont des Power Rangers qui ne diffèrent que peu les uns des autres...

En mode 1 joueur, une fois l'ennemi battu, il est agrandi par le grand méchant! Il faut alors le rebastonner au Megazord.

Mais ne faisons pas les difficiles: il ne faudrait tout de même pas oublier qu'on n'espérait pas un vrai bon jeu. Au final, ce Power Rangers est plutôt une bonne pioche pour l'usage semi-décadent qu'on veut en faire: il est simple d'accès, adéquatement débile pour qui accroche au thème, et ne coûte pas cher à l'achat. 



Fatman (Sanritsu, 1990)

Fatman, lui, boxe dans une toute autre catégorie, et on ne peut pas dire qu'il y ait tromperie sur la marchandise. Qu'il s'agisse de l'artwork de l'original d'Activision sous MS-DOS, de celui des versions MD et Genesis, du "scenario", des designs et biographies des personnages, je pense que la couleur est clairement annoncée: tout sent le nanard de compétition, et celui qui s'assume, les coudes solidement appuyés sur le comptoir!

Quelqu'un a eu l'idée de cet habile montage. Pas sûr que ce soit le même qui s'est mis les billes dans le nez.

Par exemple, le personnage principal, Rex, est un moustachu à longue tresse diplômé de Harvard, amateur de lancer de nains et de petits rongeurs crus. Non, je ne l'invente pas, c'est dedans. Et ce n'est que l'un des 8 combattants qui sont venus de toute la galaxie pour tenter de ravir le titre de champion d'arts-martiaux détenu par Mondu, un ignoble adipeux Jabba-the-huttesque en couche-culotte qui cogne avec la langue qui lui sort de la bouche qu'il a dans le bide.
Convenez tout de même que ça cogne relativement dur. 

Lui, c'est Rex. Il crache du feu dans le cul des filles, comme ça, froutch.

Aussi, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'une connerie pareille se voie consacrer des moyens de développement fabuleux. Pour un titre survenu relativement tôt dans la vie de la Megadrive, ça pourrait cependant être pire; d'un point de vue strictement graphique en tout cas, ce n'est pas désagréable. L'animation est en revanche hachée, et la musique pique aux oreilles tout en étant diaboliquement entêtante.

Rex il se tombe souvent, gné. Heureusement il se fait même pas mal.

Mais surtout, le système de jeu, les contrôles et le moteur de combat sont mal fagotés comme c'est pas permis, et réservent de délicieux moments de n'importe quoi: ballets de corps se télescopant dans les airs, rebonds inattendus, succession de pains dont on se rend tardivement compte qu'on les porte dans le vide, cancels-into-rien, coups spéciaux qu'on fait juste pour admirer leur nullité, adversaires qui se tournent le dos, voire quittent l'écran, ou déclenchent simultanément un pouvoir d'invisibilité pour déconner... Jouer à Fatman, c'est une alternance de phases où on s'efforce authentiquement de dompter des contrôles super foireux pour faire moins pire que son adversaire... Et de phases où on fait de la merde exprès. Moi j'ai trouvé ça rigolo, même sans être à deux grammes, mais c'est bien parce que j'ai été conquis par la débilité esthétique du truc. Le top, ce serait de réussir à en organiser un petit tournoi, un jour.

Malheur au vaincu: un thrashark viendra le croquer à travers le plancher.

Au final, ce que je regrette vraiment avec ce jeu, c'est que les menus soient aussi rudimentaires et n'offrent pas plus d'options et de possibilités dans les affrontements. Les autres défauts, ce n'est pas la peine de les énumérer - et si on les corrigeait, ce ne serait plus Fatman. Maintenant, attention, qu'il n'y ait aucune ambiguïté: ce n'est absolument pas un bon jeu, et il n'y pas de raison objective de le recommander davantage que Rise of the Robots. Je le pense cependant bien plus susceptible de parler à la fibre perverse des amateurs de séries Z. De ce point de vue là, c'est définitivement un titre fort de cette série.



Fighting Masters (Treco, 1991)

Après Kyukyoku Tiger, puis Street Smart, ça fait le troisième jeu signé du redoutable Treco dont je parle ici....
Ca a quelque chose d'effrayant. Et cette fois, il ne s'agit pas d'une adaptation, attention, mais d'une création originale!

Alors d'emblée sachez qu'on n'est pas vraiment déçu: Fighting Masters, c'est de la dynamite.
On allume la console, et le titre apparaît en envoyant de l'éclair au bruit improbable suivi d'une musique tout aussi étonnante.
On appuie sur "start", pressé d'en voir davantage, et d'en apprendre bien sûr un peu plus sur l'enjeu de cette baston, qui est d'ampleur galactique, oui-oui: il va falloir péter la gueule à tous les top fighters du cosmos, sinon ce sera la fin de tout...
Et cette terrible histoire nous est contée sur une musique qui, là, est absolument d'anthologie.



Une fois que sous l'effet de la stupeur, on l'a écoutée jusqu'au bout de l'introduction bouche bée, la pupille dilatée et le conduit auditif sanguinolent, on recouvre tant bien que mal ses esprits... Et on commence à se faire une idée de l'envergure de ce titre: il est monumental.

Le héros humanoïde a des grands pieds, et il les met où il veut, Little John.

Les personnages sont terrifiants -terrifiants!- de mongolisme. Leur graphisme est enfantin et grossier. Leur animation ridicule. Je vois que ça à dire: c'est complètement con. Limite on dirait un jeu indie de mecs qui ont voulu se poiler un petit coup tellement les concepts sont idiots, la réalisation dépouillée, et le gameplay simple.

Aha, le satyre-cyclope à gants de boxe a placé un pain dans la morue-morin à tonfas - il faut vite tenter une prise!

En voici les principes: avec B on tape, avec C on saute, avec A on ne fait rien. Quand un pain touche, l'adversaire sera souvent immobilisé un temps suffisant pour qu'on s'approche et qu'on fasse une projection - et c'est là qu'on fera l'essentiel du dégât. Si on est proche d'un bord de l'écran, on a alors une chance d'en faire davantage encore en faisant heurter la paroi à l'adversaire.

Notre sympathique cyclope envoie valdinguer Beowolf (!) dans le mur, ce qui occasionnera un impact supplémentaire.

La différence entre les bonhommes se joue pour l'essentiel sur les hitboxes et les prises. Ca ne pisse pas loin, mais ça suffit à faire des affrontements pas déplaisants - et tendus, en fait! Ce serait limite pas mal du tout si les bonhommes se valaient à peu près, et surtout si on n'avait pas un désagréable sentiment d'aléatoire et d'injustice dans l'exécution des prises. On a souvent du mal à comprendre pourquoi c'est l'un des combattant plutôt que l'autre qui l'envoie valdinguer, et c'est parfois franchement frustrant.

Il n'empêche: Fighting Masters permet de se foutre sur la gueule avec des personnages d'une débilité rare en un temps de prise en main record. De plus, même s'il n'est disponible qu'en import, sa cote est suffisamment basse pour qu'on se laisse aller à être décadent. Définitivement un titre à shortlister!



Les navets intersidéraux tiennent leurs promesses!


Le palmarès final

Difficile de délimiter pour tout le monde la frontière entre un mauvais jeu et un mauvais jeu rigolo, mais il y a selon moi quand même quelques titres qui se détachent. Les irrécupérables, d'abord. 
Rise of the Robots est de cette triste engeance. 
Shaq Fu et Primal Rage ont eux ceci de triste qu'ils ne parviennent à tirer leur épingle du jeu ni comme bon jeu, ni comme navet: qu'on recherche l'un ou l'autre, il y a plusieurs choix bien meilleurs!
Les 6 autres titres ont tous, à leur petit niveau quelque chose de mauvais (voire même de bon!) à apprécier qui les rend parfaitement envisageable comme divertissement débile occasionnel entre buveurs de bière. Si je devais me hasarder à les classer je ferais malgré tout de Fighting Masters le King of the Gros Laids, car c'est un bon compromis entre bêtise et accessibilité. Fatman et Street Smart méritent les honneurs également, l'un pour sa débilité à peine croyable, l'autre par pure nostalgie des années Van Damme / Arcade / SNK.


Ne me demandez pas où sont Ball Z, Beast Warriors, ou Heavy Nova: vous connaissez la réponse.


jeudi 27 août 2015

Les gros laids de la baston hi-tech

FEAR!

Dans la première moitié des années 90, le versus fighting c'est The genre. Les ventes console de Street Fighter et Mortal Kombat en font un El Dorado des éditeurs, qui savent qu'ils trouveront un public très demandeur et déjà formé à un type somme toute assez complexe.
Bien vite, cependant, magazines et étals sont saturés de jeux de baston - et souvent pas de bien bons...

Concomitamment à cette nécessité de sortir un peu du lot commun, il se trouve que les consoles 16 bit arrivent en fin de vie. En 1994, la Megadrive a déjà 6 ans d'existence sur le marché - c'est beaucoup à l'époque; même la Super Famicom, de conception pourtant plus récente, voit déjà poindre le bout du tunnel. Atari et 3DO ont en effet ouvert la voie à une nouvelle génération de consoles, et même si elles ne connaissent pas un franc succès, les images des jeux circulent dans la presse spécialisée, que Sega et Sony arrosent eux aussi copieusement de previews pour leurs consoles 32bit respectives. Les regards se tournent vers ces brillantes avancées technologiques, et il est inutile d'essayer de les en détourner: le public rêve de digitalisation, de 3D polygonale, et de termes angliches comme "Full Motion Video" et "Motion Capture".

Eh bien, en gros, certains éditeurs vont répondre à cette demande en servant aux joueurs des Canada Dry de ces technologies, sur des systèmes bien installés, mais en pleine obsolescence. Et le Versus Fighting servira de caution à ces démonstrations techniques - ainsi naquirent les Gros Laids de la Baston Hi-Tech sur Megadrive!


Primal Rage (Time Warner, 1995)

Primal Rage est adapté d'un jeu d'arcade Atari qui avait fait pas mal de bruit en reprenant les éléments du succès de Mortal Kombat: système de combat semi-original, gore, et digitalisation. La technique graphique utilisée est d'ailleurs la même, mais sur un hardware plus performant: les créatures, comme le Goro du titre Midway, sont des figurines repositionnables qui ont été photographiées pour créer chaque étape (frame) d'animation. Un peu comme du Wallace et Gromit avec des bonhommes Musclor. Il n'y a donc pas de capture de mouvement, mais du travail d'animateur assez comparable à ce qu'on pouvait faire dans le cinéma de genre de l'époque. Le résultat visuel est relativement réussi... En arcade, du moins.

7 personnages, dont 2 palette swaps: la win.

Passé sur megadrive, l'adaptation se heurte à la tristement célèbre palette de couleurs de la console. Impossible d'avoir la finesse de dégradé qui, sur des hardware plus performants, donne vie aux créatures. Notez bien, on savait depuis l'adaptation de Mortal Kombat (ou... Pit Fighter) que ce type de rendu graphique était trop ambitieux pour la console, et l'inflation de la taille des cartouche (24Mb) n'y fait rien. Graphiquement, il en résulte une adaptation aux yeux évidemment beaucoup plus gros que le ventre et qui tourne au moche tant la technique est inadaptée aux capacités d'affichage de la console.
L'ennui, c'est que du coup, il ne lui reste pas grand'chose, à Primal Rage. Parce que ludiquement on ne peut pas dire qu'il casse des briques - il est même carrément pas bon: contrôles raides, réalisation contre-intuitive des coups spéciaux, et en plus il faut avoir un pad 6 boutons sous peine de jonglage avec le bouton start. Ah si: les bestioles et le cadre de l'action sont mollement rigolos. Une baston de streums géants vénérés par les humains, c'est sympa. Mais comme c'est tout, ça ne fait pas rire longtemps.

Du bleu sur bleu, on passe au rouge sur rouge avec ce décor volcanique. 

Ce n'est donc pas un très bon client pour une soirée bière, ce Primal Rage. Malgré un thème plaisant, il est d'une laideur pas drôle, et demande d'investir trop de temps dans la maîtrise de son moteur de combat pas génial pour y jouer vaguement sérieusement... Pour au final un amusement franchement pas follichon.



Rise of the Robots (Acclaim, 1994)

Techniquement, Rise of the Robots est intéressant. Non pas que le résultat soit réussi: il est franchement nase. C'est l'esbrouffe autour de sa réalisation, symptomatique des attentes de l'époque, qui mérite d'être relevée. Pubs et dossier de presse vantaient une réalisation sur station Silicon Graphics, de la 3D et de la Full Motion Video - tout ça sur une cartouche, oui monsieur, une cartouche Megadrive de 24Mb!

Sisisi, on voit vraiment ça à l'écran. Et ça bouge. C'est une cinématique. Un truc pour planter l'ambiance, voyez-vous...

En fait, pour schématiser, là où Mortal Kombat utilise des clichés d'acteur et Primal Rage des clichés de figurines, Rise of The Robots utilise des clichés d'objets (numériques, hein) en 3D. Les dits objets en 3D en deviennent donc de bêtes sprites en 2D. La différence est que les positionnements correspondant aux étapes d'animation ont également été faits numériquement, là où les deux précédents titres utilisent des sujets bien réels. Et sans une once de Motion Capture telle qu'on l'entend aujourd'hui pour animer les robots, bien évidemment...

Ata!
Comme pour les titres précités, le rendu des digitalisations avec la palette de la Megadrive est moche par manque de couleurs pour dégrader proprement - et ce, même avec un robot-tout-bleu face à un robot-tout-rouge.
On retrouve des techniques équivalentes de 2D-isation d'objets 3D dans les séquences intermédiaires, qui sont à peine croyables de laideur.

Il vous faut un pad 6 boutons, histoire de pouvoir déclencher les mêmes animations à des vitesses différentes.
Voilà ce qu'il y a à en dire, de Rise of The Robots sur Megadrive.
Pour le reste, je ne vais pas m'enquiquiner à taper des tartines pour vous dire combien le jeu est nul: il est scandaleusement nul. Le concept c'est vraiment: "pour vendre ce machin en tant que jeu, il faut que le joueur il bouge un truc à l'écran, et qu'il interagisse avec des bidules. Ayé? Bon, ça ira". Si vous voulez davantage de détails, le net vous les fournira généreusement, mais je pense qu'il suffit de dire qu'on touche au fond du tréfonds de la cuve sans que ça ait le mérite de faire rire, quel que soit le degré auquel on l'aborde.
Quant aux robots... C'est à la base un sujet merdique, traité de façon peu inspirée, et avec un rendu à chier: il ne faut donc pas non plus espérer trouver là son divertissement.
Beurgl, en somme.



Shaq Fu (Electronic Arts, 1994)

Shaq Fu, voilà un jeu qui fait causer. Demi-nanar embarrassant à sa sortie, lynché ensuite par les critiques rétro à un point tel que c'en est devenu déraisonnable et a fini par alimenter un courant de réhabilitation, Shaq Fu c'est en tout cas un produit de son époque dans ce qu'elle pouvait avoir de plus ringard. Les basketteurs y étaient les héros des cours de récré, et on retrouvait leur nom partout, des paquets de céréales aux jeux video en passant par le cinéma.
Terrible.
Electronic Arts ayant mis des billes dans des licences avec la NBA et ses stars, a donc eu l'idée de rentabiliser en mettant Michael Jordan dans un jeu de plate-formes et Shaquille O'Neal dans un jeu de Versus Fighting.
Ouais, c'est un métier.

Un truc de malade mental...

Et, histoire de faire en sorte que le super-combo de l'improbabilité soit complet, de mettre sur cette dernière affaire ce studio français qui cartonne, là, Delphine Software.
Delphine Software, les gens de mon âge l'ont vu grandir et couler, cette boîte. C'était l'une des incarnations de ce qu'on appelait la French Touch, à l'époque - et qui renvoyait effectivement à quelque chose, esthétiquement parlant. Les Voyageurs du Temps, Operation Stealth, Croisière pour un Cadavre, jusqu'aux titres qui les amèneront au grand public et au triomphe critique mondial: Another World et Flashback. Leur truc, à eux, ça a toujours été l'animation - et très vite, l'utilisation de la technique de la rotoscopie (qu'on anglicise souvent en "rotoscoping", pour faire plus smart).
Le procédé vient du film d'animation et il est tout sauf hi-tech. Ca consiste à dessiner par dessus une image filmée; comme si vous faisiez un calque de chaque image, et que vous la recoloriez. Non seulement ça permet au besoin d'avoir un trait précis, réaliste, et aussi détaillé que souhaité ou possible, mais surtout, en traitant une séquence filmée, on capture par la même occasion les mouvements de sujets réels, dont on fait un dessin-animé. Un truc super, que faisait déjà Jordan Mechner 10 ans auparavant avec Karateka sur Apple II.

Shaq contre le fakir des ténèbres.
Sur des supports 16bit qui affichent un nombre restreint de couleurs simultanément, la technique est tout à fait à sa place - plus que les procédés de digitalisation des jeux précités. Elle permet de ne garder que le réalisme des mouvements du sujet filmé, mais de gérer librement les dégradés et les aplats, et donc de ne pas verser dans l'abomination pixellisante du tout digitalisé.
Le résultat sur Shaq Fu, mobilisant beaucoup d'étapes d'animation, est très réussi. Les sprites sont petits, mais effectivement très joliment animés, et les graphismes sont vivement colorés et agréables à l'oeil. Il y aurait beaucoup à dire sur les designs de personnages (à commencer par Shaq lui-même), mais la stricte réussite technique mérite au moins d'être saluée.
Par contre, le jeu en lui-même n'est pas bien bon, et il est très possible que ce soit en bonne partie le revers de la médaille susmentionnée. Les animations si détaillées ne s'interrompent en effet pas avec la vivacité qui convient au genre; les contrôles manquent du coup de réactivité et de précision. Cette inertie ajoutée à quelques originalités dont on se serait bien passé au niveau des commandes (deux boutons sont consacrés respectivement à provoquer et à se déplacer rapidement/se téléporter) donne un jeu de baston qu'on n'a juste pas envie d'apprendre à maîtriser.

Notez que les décors sont jolis aussi, l'air de rien. L'atmosphère bédé est bien réussie.

D'autant, que même avec une approche "second degré", Shaq Fu n'arrive pas vraiment à régaler. Le casting de personnages, mélange pourtant assez rigolo et prometteur sur le papier (il y a une momie, un cyborg, un démon, un sale gniard, un vieux kung fu,master, un pseudo Jack Burton...), est nase sans être comiquement grotesque comme ça peut être le cas dans d'autres semi-navets du genre. Ce doit être ce qui arrive lorsqu'un concept débile est bien exécuté.
Au final, Shaq Fu ne brille ni en tant que bon jeu, ni en tant nanar, ce qui est quand même assez terrible.



Bon, l'un dans l'autre, il faut bien dire que cette deuxième fournée de gros laids a un arrière goût de Gibolin assez déplaisant. Jouer à ces trois jeux n'a pas franchement été rigolo, et même torcher cet article je l'ai fait à reculons. Ces nanars-là ne sont pas de ceux qui font rire, et il n'y a pas vraiment d'amusement, même fugace, à en tirer, ce qui rappelons-le est l'objet de cette série de billets.
Maintenant, le vice étant une affaire très personnelle, je veux bien croire qu'il puisse se trouver des pervers coprophages qui trouvent amusant de jouer à Rise of the Robots, mais je n'imagine pas que ce soit la norme, ni qu'il se trouve ce genre de psychopathes parmi mon aimable lectorat.

Laids, pas drôles, fastidieux à prendre en main - mauvaise pioche!

jeudi 23 juillet 2015

Les gros laids de la baston en profondeur

C'est pas donné à tout le monde.


Commençons ce dossier passionnant sur la baston moche sur Megadrive avec un sous-genre assez particulier: la castagne dite "en profondeur".
Street Smart et Pit Fighter sont deux titres pré-Street Fighter II sortis en arcade au début de la Vandammania, ce qui se ressent fort dans la thématique (des combats clandestins pour du pognon) et, dans le cas de Pit Fighter, dans les designs des personnages.
Le déplacement dans les 8 directions permet dans ces deux jeux d'affronter plusieurs adversaires en même temps, et, dans le cas de Pit Fighter, à deux joueurs de leur faire face. C'était le cas aussi pour Street Smart en arcade, mais cette possibilité a disparu de la conversion Megadrive.
L'idée est différente dans Power Athlete, qui lui est un titre post-Street Fighter II, et lui emprunte les principes habituels du genre: coups spéciaux, parades, deux manches gagnantes, etc. Ici, le déplacement vertical, plus restreint, a essentiellement une fonction d'esquive. Dans le principe, c'est un petit peu comme dans les Fatal Fury, sauf que l'action se déclenche immédiatement avec la croix directionnelle au lieu de se faire au bouton.
Dans les trois jeux, ce déplacement vertical a plusieurs conséquences évidentes par rapport aux Versus auxquels on s'est habitué:
- on ne saute pas avec 'haut". On le fait avec un bouton (C).
- on ne s'accroupit pas avec "bas". On ne s'accroupit pas du tout, en fait, voilà, point.
- les coups spéciaux/bottes secrètes/actions particulières n'utilisent pas une combinaison de directions qui influerait sur l'alignement des personnages. En d'autres termes, il ne faudrait pas que la pression sur "bas" d'un début de quart de tour/hadoken fasse descendre le bonhomme et qu'il tape à côté. Ces coups s'effectuent plutôt en appuyant sur plusieurs boutons en même temps, avec une ou deux directions (arrière-avant) dans le cas de Power Athlete.
Autre point commun, qui découle assez logiquement de ce qui précède, les trois jeux utilisent la même configuration de touches "A poing, B pied, C saut".



Street Smart (Treco, 1991)

Dans Street Smart, le jeu en un contre un entre joueurs humains est assez anecdotique. Anecdotique et complètement débile, puisque, pour schématiser, celui qui perdra le round ce sera un peu celui qui se lassera le premier de jouer au chat et à la souris avec l'autre. Même à deux, l'essentiel du jeu se fait contre l'IA... Mais pas simultanément! On joue, l'un après l'autre, contre les adversaires-console... Ce n'est qu'ensuite que l'on s'affronte mutuellement.

Bien que nase, il faut reconnaître à cette version de 4Mb qu'elle a fait l'objet d'un vrai boulot d'adaptation.


Autre tare du jeu, le peu de coups à disposition, encore davantage restreint du fait que certains ne servent à rien! Le coup de pied sauté ne permet que d'abattre un adversaire qui saute. Seulement, du coup, il n'a pas beaucoup d'intérêt à le faire, 'voyez... Donc il ne le fait pas. Donc eh ben vous non plus... Quant à la botte secrète, elle donne 3 secondes à l'adversaire pour y échapper. L'IA acceptera gentiment de s'y faire prendre, voire même aura l'amabilité de faire le déplacement pour se la ramasser - mais a priori pas un adversaire humain. Quant à l'esquive (un saut en boule vers l'arrière), elle relève du gadget plutôt qu'autre chose.
Bref au final, on passe son temps à cogner assez connement avec A ou B, ce qui ne mène pas bien loin.

Le bar du gros Mac affiche la mention "Street Stars" et "since 1969", comme le Mac's bar d'Art of Fighting. Plusieurs autres détails suggèrent des correspondances entre les deux titres. Karate Man, c'est Mr Karaté/Takuma?

Côté réalisation, le jeu tient ses promesses: il est effectivement assez moche, avec des couleurs souvent criardes et contrastées qui laissent une impression de grossièreté crade et surchargée. Les bruitages sont discrets et un peu étranges, mais les musiques, malgré quelques sonorités nasillardes et limite bizarres elles aussi, sont plutôt sympas et entêtantes, ce qui est une bonne surprise par rapport à l'arcade.
Malgré tous ces défauts, on arrive encore à tirer une certaine convivialité d'une partie de Street Smart. On joue pour le score (le système de pari est nase lui aussi; tout comme celui d'XP d'ailleurs, mais on n'est pas à ça près depuis longtemps) et pour être celui qui embarque le max de pépés à la fin. C'est pas follichon, et ne suffit sûrement pas à en faire un achat à recommander, mais ça évite d'en faire une catastrophe complète ou une affaire pénible.

Tatane fatale dans le boss Sagatesque propre à cette version MD. Notez comme les graphistes apprécient le marronnasse.
 
Street Smart, c'est somme toute du nanard assez soft. Les fans de SNK apprécieront d'avoir en main le premier Versus de l'éditeur, et pourront spéculer sur certaines correspondances avec Art Of Fighting, bizarrement encore accrues dans cette adaptation Megadrive signée Treco.




Pit Fighter (Tengen, 1991)

Avec Pit Fighter, on l'a vu, on a un jeu qui suit les mêmes principes. Mais qui cogne peut-être encore dans la catégorie au-dessus.

Dès l'intro, ça envoie du laid.

Déjà, technologiquement, il y a innovation, avancée, prodige, révolution: il s'agit d'un des tous premiers jeux dont les sprites ont été réalisés à partir d'images digitalisées d'acteurs, avant que Mortal Kombat ne rende célèbre le procédé. On peut parler de Motion Capture dans une modeste mesure, puisque les "frames", ou étapes d'animations, ont été extraites du filmage des acteurs en mouvement. La qualité de la restitution était mitigée en arcade; c'est une horreur sur Megadrive. Mais cette horreur a le mérite d'être originale. Et d'avoir un double cachet vintage, entre le pari technique foiré, et l'esthétique Van Dammisante. Pour parachever le tout, il y a plein de digits vocales - nases elles aussi.

Et paf dans ta gueule! J'ai bien appuyé sur "A" comme un sonné, là!

Ensuite, en termes de jeu, on a quand même plus de possibilités que dans Street Smart. Plus de coups et d'enchaînements, trois personnages (qui ne se valent pas), des armes à ramasser, et surtout un jeu à deux simultanément plus étoffé. Dans Pit Fighter, on fait effectivement face simultanément aux adversaires IA. Bon point, mais qui ne rattrape malheureusement pas un défaut majeur: il n'y a pas d'affrontement joueur contre joueur, le jeu est exclusivement collaboratif!

On peut ramasser des shurikens en forme de zwastika. Rien que ça...

Ce n'est donc pas le gameplay qui sauvera Pit Fighter de sa grosse laideur. Le moteur de combat est limité et bancale, l'animation merdique, et la plupart du temps, faute d'avoir vraiment l'envie (voire les moyens) de s'appliquer, on se contente de bourriner un peu n'importe comment. Là encore, ça donne des parties détendues avec pour principal enjeu de faire le meilleur score/pognon; des sessions de jeu pas captivantes bien longtemps, mais qui ne sont pas désagréables, occasionnellement... Quel gâchis, ce jeu à deux!



Power Athlete / Deadly Moves (Kaneko, 1992)

Avec Power Athlete, on retrouve un fonctionnement de Versus Fighting plus courant. On a droit à nos 8 personnages ayant chacun leur paire de coups spéciaux: standard.

Le poivrot de droite semble persuadé que vous lui avez piqué son cubi de rouge...

Ce qui est moins standard, c'est le nombre de coups "normaux": 2 au sol et 2 en l'air, et une projection. C'est tout. Non-non, les coups changent pas si on les enchaîne ou si on est près, rien, que dalle. Voyons le positif: ça permet de se  focaliser très-très fort sur les fondamentaux.

A gauche, Nanto de vison, à droite Hokuto à huître. Il doit être autant inspiré d'Hokuto No Ken que de Street Fighter, ce jeu.

Esthétiquement, le jeu ne déçoit pas, avec des designs de personnages allant de fadasse à très moche, et une animation qui les fait gigoter de manière souvent assez comique. Le premier stage en mode un joueur est une belle entrée en matière, avec un décor supposément hawaiien de troncs d'arbres coupés flottant sur une eau d'un bleu super improbable, et un adversaire qui ressemble à un vieux poivrot mutant en pagne. Le bordel est supposé se passer dans le futur, ce qui permet aux créateurs d'exprimer des visions d'anticipation très intéressantes dans les autres décors, de la ville qu'on devine surpeuplée aux squelettes de dinosaures exposés à ciel ouvert, en passant par le temple de la baston éternelle. Pas de problème, on est bien dans le sujet.

Ce Baraki fait de l'attaque spéciale boulet de canon en faisant grouik.
 
Le jeu en lui même n'est pas désagréable et le fait qu'il soit si limité plaide plutôt en sa faveur pour l'usage de sous-Street-Fighter-kleenex auquel il est destiné. Dommage que le grotesque des personnages ne soit pas plus prononcé, on tenait sinon quelque chose de fort.


C'est en fait un peu le constat général qu'on pourrait faire sur ce premier trio de jeux de baston laids: "peut mieux faire". Aucun des trois n'est désagréable à jouer, tous offrent même matière à doucement s'amuser, mais aucun ne craque vraiment le sac à s'en taper sur les cuisses. Ils méritent en tout cas d'être essayés, et ne sont pas des investissements insensés pour l'amateur de baston nanardisante. Pit Fighter se trouve communément pour une poignée d'euros; les deux autres en revanche doivent se procurer en version import, ce qui fait que leur tarif sera plus aléatoire.

= bien, ♠ = pas bien, mais ce sont les couleurs des cases qui indiquent des écarts significatifs.


Le prochain volet sera consacré aux nanars high-tech...
Cogneront-ils plus fort?
Les paris sont ouverts...