jeudi 23 juillet 2015

Les gros laids de la baston en profondeur

C'est pas donné à tout le monde.


Commençons ce dossier passionnant sur la baston moche sur Megadrive avec un sous-genre assez particulier: la castagne dite "en profondeur".
Street Smart et Pit Fighter sont deux titres pré-Street Fighter II sortis en arcade au début de la Vandammania, ce qui se ressent fort dans la thématique (des combats clandestins pour du pognon) et, dans le cas de Pit Fighter, dans les designs des personnages.
Le déplacement dans les 8 directions permet dans ces deux jeux d'affronter plusieurs adversaires en même temps, et, dans le cas de Pit Fighter, à deux joueurs de leur faire face. C'était le cas aussi pour Street Smart en arcade, mais cette possibilité a disparu de la conversion Megadrive.
L'idée est différente dans Power Athlete, qui lui est un titre post-Street Fighter II, et lui emprunte les principes habituels du genre: coups spéciaux, parades, deux manches gagnantes, etc. Ici, le déplacement vertical, plus restreint, a essentiellement une fonction d'esquive. Dans le principe, c'est un petit peu comme dans les Fatal Fury, sauf que l'action se déclenche immédiatement avec la croix directionnelle au lieu de se faire au bouton.
Dans les trois jeux, ce déplacement vertical a plusieurs conséquences évidentes par rapport aux Versus auxquels on s'est habitué:
- on ne saute pas avec 'haut". On le fait avec un bouton (C).
- on ne s'accroupit pas avec "bas". On ne s'accroupit pas du tout, en fait, voilà, point.
- les coups spéciaux/bottes secrètes/actions particulières n'utilisent pas une combinaison de directions qui influerait sur l'alignement des personnages. En d'autres termes, il ne faudrait pas que la pression sur "bas" d'un début de quart de tour/hadoken fasse descendre le bonhomme et qu'il tape à côté. Ces coups s'effectuent plutôt en appuyant sur plusieurs boutons en même temps, avec une ou deux directions (arrière-avant) dans le cas de Power Athlete.
Autre point commun, qui découle assez logiquement de ce qui précède, les trois jeux utilisent la même configuration de touches "A poing, B pied, C saut".



Street Smart (Treco, 1991)

Dans Street Smart, le jeu en un contre un entre joueurs humains est assez anecdotique. Anecdotique et complètement débile, puisque, pour schématiser, celui qui perdra le round ce sera un peu celui qui se lassera le premier de jouer au chat et à la souris avec l'autre. Même à deux, l'essentiel du jeu se fait contre l'IA... Mais pas simultanément! On joue, l'un après l'autre, contre les adversaires-console... Ce n'est qu'ensuite que l'on s'affronte mutuellement.

Bien que nase, il faut reconnaître à cette version de 4Mb qu'elle a fait l'objet d'un vrai boulot d'adaptation.


Autre tare du jeu, le peu de coups à disposition, encore davantage restreint du fait que certains ne servent à rien! Le coup de pied sauté ne permet que d'abattre un adversaire qui saute. Seulement, du coup, il n'a pas beaucoup d'intérêt à le faire, 'voyez... Donc il ne le fait pas. Donc eh ben vous non plus... Quant à la botte secrète, elle donne 3 secondes à l'adversaire pour y échapper. L'IA acceptera gentiment de s'y faire prendre, voire même aura l'amabilité de faire le déplacement pour se la ramasser - mais a priori pas un adversaire humain. Quant à l'esquive (un saut en boule vers l'arrière), elle relève du gadget plutôt qu'autre chose.
Bref au final, on passe son temps à cogner assez connement avec A ou B, ce qui ne mène pas bien loin.

Le bar du gros Mac affiche la mention "Street Stars" et "since 1969", comme le Mac's bar d'Art of Fighting. Plusieurs autres détails suggèrent des correspondances entre les deux titres. Karate Man, c'est Mr Karaté/Takuma?

Côté réalisation, le jeu tient ses promesses: il est effectivement assez moche, avec des couleurs souvent criardes et contrastées qui laissent une impression de grossièreté crade et surchargée. Les bruitages sont discrets et un peu étranges, mais les musiques, malgré quelques sonorités nasillardes et limite bizarres elles aussi, sont plutôt sympas et entêtantes, ce qui est une bonne surprise par rapport à l'arcade.
Malgré tous ces défauts, on arrive encore à tirer une certaine convivialité d'une partie de Street Smart. On joue pour le score (le système de pari est nase lui aussi; tout comme celui d'XP d'ailleurs, mais on n'est pas à ça près depuis longtemps) et pour être celui qui embarque le max de pépés à la fin. C'est pas follichon, et ne suffit sûrement pas à en faire un achat à recommander, mais ça évite d'en faire une catastrophe complète ou une affaire pénible.

Tatane fatale dans le boss Sagatesque propre à cette version MD. Notez comme les graphistes apprécient le marronnasse.
 
Street Smart, c'est somme toute du nanard assez soft. Les fans de SNK apprécieront d'avoir en main le premier Versus de l'éditeur, et pourront spéculer sur certaines correspondances avec Art Of Fighting, bizarrement encore accrues dans cette adaptation Megadrive signée Treco.




Pit Fighter (Tengen, 1991)

Avec Pit Fighter, on l'a vu, on a un jeu qui suit les mêmes principes. Mais qui cogne peut-être encore dans la catégorie au-dessus.

Dès l'intro, ça envoie du laid.

Déjà, technologiquement, il y a innovation, avancée, prodige, révolution: il s'agit d'un des tous premiers jeux dont les sprites ont été réalisés à partir d'images digitalisées d'acteurs, avant que Mortal Kombat ne rende célèbre le procédé. On peut parler de Motion Capture dans une modeste mesure, puisque les "frames", ou étapes d'animations, ont été extraites du filmage des acteurs en mouvement. La qualité de la restitution était mitigée en arcade; c'est une horreur sur Megadrive. Mais cette horreur a le mérite d'être originale. Et d'avoir un double cachet vintage, entre le pari technique foiré, et l'esthétique Van Dammisante. Pour parachever le tout, il y a plein de digits vocales - nases elles aussi.

Et paf dans ta gueule! J'ai bien appuyé sur "A" comme un sonné, là!

Ensuite, en termes de jeu, on a quand même plus de possibilités que dans Street Smart. Plus de coups et d'enchaînements, trois personnages (qui ne se valent pas), des armes à ramasser, et surtout un jeu à deux simultanément plus étoffé. Dans Pit Fighter, on fait effectivement face simultanément aux adversaires IA. Bon point, mais qui ne rattrape malheureusement pas un défaut majeur: il n'y a pas d'affrontement joueur contre joueur, le jeu est exclusivement collaboratif!

On peut ramasser des shurikens en forme de zwastika. Rien que ça...

Ce n'est donc pas le gameplay qui sauvera Pit Fighter de sa grosse laideur. Le moteur de combat est limité et bancale, l'animation merdique, et la plupart du temps, faute d'avoir vraiment l'envie (voire les moyens) de s'appliquer, on se contente de bourriner un peu n'importe comment. Là encore, ça donne des parties détendues avec pour principal enjeu de faire le meilleur score/pognon; des sessions de jeu pas captivantes bien longtemps, mais qui ne sont pas désagréables, occasionnellement... Quel gâchis, ce jeu à deux!



Power Athlete / Deadly Moves (Kaneko, 1992)

Avec Power Athlete, on retrouve un fonctionnement de Versus Fighting plus courant. On a droit à nos 8 personnages ayant chacun leur paire de coups spéciaux: standard.

Le poivrot de droite semble persuadé que vous lui avez piqué son cubi de rouge...

Ce qui est moins standard, c'est le nombre de coups "normaux": 2 au sol et 2 en l'air, et une projection. C'est tout. Non-non, les coups changent pas si on les enchaîne ou si on est près, rien, que dalle. Voyons le positif: ça permet de se  focaliser très-très fort sur les fondamentaux.

A gauche, Nanto de vison, à droite Hokuto à huître. Il doit être autant inspiré d'Hokuto No Ken que de Street Fighter, ce jeu.

Esthétiquement, le jeu ne déçoit pas, avec des designs de personnages allant de fadasse à très moche, et une animation qui les fait gigoter de manière souvent assez comique. Le premier stage en mode un joueur est une belle entrée en matière, avec un décor supposément hawaiien de troncs d'arbres coupés flottant sur une eau d'un bleu super improbable, et un adversaire qui ressemble à un vieux poivrot mutant en pagne. Le bordel est supposé se passer dans le futur, ce qui permet aux créateurs d'exprimer des visions d'anticipation très intéressantes dans les autres décors, de la ville qu'on devine surpeuplée aux squelettes de dinosaures exposés à ciel ouvert, en passant par le temple de la baston éternelle. Pas de problème, on est bien dans le sujet.

Ce Baraki fait de l'attaque spéciale boulet de canon en faisant grouik.
 
Le jeu en lui même n'est pas désagréable et le fait qu'il soit si limité plaide plutôt en sa faveur pour l'usage de sous-Street-Fighter-kleenex auquel il est destiné. Dommage que le grotesque des personnages ne soit pas plus prononcé, on tenait sinon quelque chose de fort.


C'est en fait un peu le constat général qu'on pourrait faire sur ce premier trio de jeux de baston laids: "peut mieux faire". Aucun des trois n'est désagréable à jouer, tous offrent même matière à doucement s'amuser, mais aucun ne craque vraiment le sac à s'en taper sur les cuisses. Ils méritent en tout cas d'être essayés, et ne sont pas des investissements insensés pour l'amateur de baston nanardisante. Pit Fighter se trouve communément pour une poignée d'euros; les deux autres en revanche doivent se procurer en version import, ce qui fait que leur tarif sera plus aléatoire.

= bien, ♠ = pas bien, mais ce sont les couleurs des cases qui indiquent des écarts significatifs.


Le prochain volet sera consacré aux nanars high-tech...
Cogneront-ils plus fort?
Les paris sont ouverts...


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