samedi 11 juillet 2015

Fatal Fury / Garou Densetsu (Shukumei No Tatakai)

Fatal Fury (SNK)
Test de Fatal Fury sur: Neo Geo (SNK), Super Famicom et Megadrive (Takara)
Sortie originale: Neo Geo (1991)
Adapté sur: Super Famicom (1992), Megadrive (1993)
Emulé commercialement sur: Wii, PS2, PS3
___________________________________________________________________________


Quand Fatal Fury est sorti et que je l'ai acheté sur Super Famicom, qu'est-ce que je voulais pouvoir dire qu'il était mieux que Street Fighter 2!

La trop cool jaquette japonaise du jeu.


L'ennui, c'est qu'il était vraiment évident qu'il ne l'était pas...
Alors j'ai cherché à me persuader qu'on n'était quand même pas si loin du compte que ça. Mais là aussi, il a fallu se rendre à l'évidence: si, on était si loin du compte que ça.
Comme je suis persévérant, j'ai persévéré.
J'ai essayé.
Fort.
Et je n'ai pas réussi.
Je n'arrivais pas, et je n'arrive d'ailleurs toujours pas à vraiment prendre plaisir à jouer à Fatal Fury. Pourtant, cette envie d'essayer ne m'a pas quitté plus de 20 ans après.
Alors évidemment, ça pose question, ça, cet acharnement à vouloir trouver bon un jeu qui ne l'est pas.

Mais sinon je me soigne, vous savez!


Le rival maudit
Pour son malheur comme pour son bonheur, le destin de Fatal Fury est étroitement lié à celui de Street Fighter 2. Il a été développé pour SNK à peu près simultanément à ce dernier par Takashi Nishiyama, qui est considéré comme le père du premier volet de la série de Capcom, mais il est finalement sorti fin 1991 soit plusieurs mois après la bombe Street Fighter 2. On peut supposer que ce temps a permis de faire des ajustements par rapport au projet initial; malgré cela, le retentissement de Fatal Fury fut bien moindre, et son succès assez relatif. Le jeu de SNK avait pour lui de tourner sur un format, le MVS, qui commençait à avoir le vent en poupe auprès des exploitants, et une réalisation assez impressionnante. Par contre, ludiquement, il était en lui-même pas bien bon... Et la comparaison à Street Fighter 2 n'a fait que rendre ses défauts encore plus évidents.
Le premier souci, et le plus sérieux, c'est la gestion des échanges de pains. La portée, la vitesse, la durée d'impact des coups, le recul provoqué, la taille des hitboxes... Tout est approximatif.

A poing, B pied, C projection, D que dalle.

A cela viennent s'ajouter des coups spéciaux difficiles à sortir, non pas parce que les mouvements sont complexes (ils sont identiques ou comparables à ceux de SF2), mais parce que la détection de leur exécution est tatillonne.
Pour achever de rendre le gameplay frustrant, les adversaires gérés par la console cumulent des traits assez enrageants: déjà ils sont coriaces, mais en plus ils ont un comportement exclusif. Entendez par là que et d'un ils ne peuvent pas être incarnés par le joueur; de deux, certaines de leurs attaques n'ont aucun équivalent chez le joueur (pain qui prend le vôtre de vitesse, coup de pied sauté qui dure du début à la fin du saut, agrippage au plafond, transformation, choppe en l'air ou à des kilomètres...); de trois, ils peuvent initier le fameux changement de plan qui caractérisera la série des Fatal Fury, et pas vous.
Ce serait suffisant pour l'achever, mais malheureusement ça ne s'arrête pas là. En plus d'avoir des ratés, le moteur de combat est bridé! Fatal Fury ne permet en effet d'incarner que 3 personnages, les trois gentils du mode 1 joueur. Le mode 2 joueurs propose bien un truc sympa, à savoir affronter à deux simultanément les adversaires IA - mais ça ne pèse rien dans la balance par rapport à la durée de vie et à la dimension compétitive qu'aurait généré un roster plus étendu, et qui a justement fait de Street Fighter 2 le phénomène qu'il est devenu.
Bref, inutile d'en rajouter: tout dans le gameplay tourne en la défaveur de Fatal Fury par rapport au hit de Capcom.

NG. "Baah wiip" - Terry Bogard fait du feu dans les pieds, un concept de coup spécial qui fera recette.


Dans le titre, déjà, y'a "Fatal"... Mais en plus y'a "Fury"!
Cependant, dès 1992, la suprématie du shoryuken, comme toute suprématie, appelle une alternative. Et malgré ses défauts, Fatal Fury va réussir à incarner cette alternative, plutôt que, par exemple, World Heroes, qui, lui, fera pourtant un carton plein dans les salles d'arcade. Probablement parce qu'en dépit de ses nombreux défauts ludiques, Fatal Fury a malgré tout réussi à présenter une identité "artistique" (j'utilise ce gros mot là faute de mieux, excusez-moi) qui s'est probablement d'autant mieux imposée qu'elle apparaissait comme le contrepied de Capcom. 
Fatal Fury (et par extension SNK), c'était le bad boy et le challenger; un peu comme son héros, Terry Bogard. Le mec il avait les cheveux longs, un jean à bords repliés, une casquette de trucker, une veste Converse et des pump aux pieds. En plus, son frère c'était un ninja, et son meilleur pote il faisait de la boxe thaï! Troop cooool! Et pis ensemble, ils allaient faire la peau au méchant et tyrannique vieux gros nase gominé plein de blé en pyjamas qui faisait des flammes bleues trop abusées sur des riffs de guitare électrique, ce bâtard. Comme collection de fantasmes adolescents des années 90, c'était quand même pas mal. Pour son premier jeu de Vs Fighting, SNK  était déjà fort dans la cool-attitude, que ce soit du point de vue artistique ou technique.

SFC. Richard Myer ne fera pas carrière, par contre on retrouvera le Pao Pao Café dans de nombreux autres titres SNK.

Car c'est dans ce premier Fatal Fury qu'on voit apparaître des designs de personnages qui resteront dans les jeux de la marque pendant des décennies; les trois héros emblématiques de la franchise, bien sûr, mais aussi la majorité du casting puisqu'on retrouvera régulièrement par la suite Raiden, Duck King, Tung Fu Rue, Billy Kane, et bien sûr Geese Howard. Des designs qui s'affineront au fil des années mais qui déjà affichent un caractère qui se distingue fermement de la collection de stéréotypes gentillets de Street Fighter 2.

NG. Ce type qui a des trucs profonds à dire, c'est Geese Howard. Rien qu'au nom, on devine un profil psychologique complexe.

On retrouve aussi ce côté accrocheur, tape à l'oeil, limite vulgaire dans le domaine technique, avec des sprites de très grande taille pour l'époque, des couleurs flashy, plein de digits vocales (dont celle assez mémorable de l'annonceur), et une certaine recherche de l'effet visuel ou sonore. Les coups spéciaux sont relativement impressionnants, la nuit tombe au fil des rounds, les éclairs zèbrent le ciel chez Tung Fu Rue qui se transforme comme l'incroyable Hulk sous une pluie battante...
Fatal Fury, à l'époque, c'était avant tout, je pense, un produit à refiler à tous les exploitants pour compléter l'offre MVS, mais c'est devenu retrospectivement un titre fondateur par lequel SNK allait commencer à définir sa griffe, en tout cas du point de vue esthétique, et auquel il allait régulièrement rendre hommage dans ses productions ultérieures. 

SFC. Le petit vieux qui se transforme en super malabar, inoubliable.


Les adaptations domestiques
Fatal Fury a été adapté sur Super Famicom fin 1992, et sur Megadrive en 1993. Les deux portages ont été réalisés par Takara, mais diffèrent sur un certain nombre de points.

Graphiquement, les deux versions sont très réussies. Bien sûr, le visuel sur Super Famicom est nettement plus fin du fait de sa palette de couleurs plus étendue, mais la version Megadrive a fait l'objet d'une attention visible de ce point de vue. Les sprites ont été retravaillés, recolorés, leurs détours et certains détails accentués, d'autres ajoutés. Du beau boulot de part et d'autre. Niveau audio, les deux versions prennent un autre coup dans la face, mais la version Sega en prend un plus sévère qu'attendu. Les digits sont passables par rapport à ce qu'on a pu connaître par ailleurs, mais les thèmes musicaux sont rendus de manière décevante et parfois nasillarde.

Megadrive. Le Tiger Kick de Joe, l'une des petites améliorations de cette adaptation tardive sur Sega.


En revanche, on sent une plus grande volonté de préserver l'ambiance et l'esthétique de l'original dans la version MD: les bonus stage ont certes disparu (remplacés par du casse-pneu sur la plage sur SFC?!), mais les petites cinématiques entre les combats ont été gardées, et l'introduction utilise l'artwork classique de la jaquette Neo Geo.
Différence notable entre les deux adaptations: Hwa Jai et Billy Kane disparaissent de la version MD. En revanche, cette dernière, sortie en avril 93, intègre certaines des améliorations que SNK a apportées à Fatal Fury 2:
- les mouvements de certains coups spéciaux ont été importés du deuxième volet plutôt que du premier (par exemple le "crack shoot" de Terry) et sont détectés un peu plus généreusement.
- tous les personnages sont jouables en mode versus, par les deux joueurs, qui peuvent y compris choisir le même combattant en palette swap! Sur Super Famicom, seul le joueur 2 peut incarner quelqu'un d'autre que les 3 héros...


Megadrive. Duck King Vs Raiden dans le stage à Tung Fu Rue, c'est possible.

Disons enfin un mot du fameux changement de plan. Présenté comme une des grandes originalités de la série, c'est quand même un peu de la merde. Dans Real Bout, où on peut le faire rapidement (sans saut qui prend des plombes) c'est sympa; dans Fatal Fury 2 / Special ça apporte autant que ça enlève... Tel qu'il est pratiqué dans Fatal Fury 1, il n'a d'intérêt que dans le mode 2 joueurs contre la machine, qui est absent des deux adaptations. Il est donc normal que Takara l'ait purement et simplement viré de la version SFC. Par contre, il aurait aussi bien pu en faire autant sur MD. Souci de fidélité déplacé? Feedback des fans après l'adaptation Super Famicom? Je ne sais pas - en tout cas, c'est là, et ce n'est pas le "plus" que je vois parfois faire valoir.

La jaquette MD évoque le style graphique laid de l'OAV sortie au Japon en 1992. Beuh.


___________________________________________________________________________

En Bref

VISUEL
Quant Fatal Fury est sorti, le catalogue de la Neo Geo ne comptait pas encore 30 jeux. Comme la plupart à l'époque, il en mettait plein la vue graphiquement, mais l'animation pêchait encore. Les deux adaptations consoles sont plus qu'honnêtes, avec assez logiquement la même tare au niveau de l'animation .

AUDIO
Certains thèmes musicaux sont devenus mythiques; ils sont retranscrits relativement fidèlement sur les consoles de salon, mais dans une qualité sonore évidemment bien inférieure. La version SNK consacrait déjà pas mal de Megabits à l'audio, et notamment à ses digits vocales. Celles associées aux coups spéciaux sont cependant assez mémorables d'incompréhensibilité. Ce syndrôme du "Baaah wwip / Baâanakou!" se retrouve sur Super Famicom - et sur Megadrive, les voix sont étouffées et grésillent.

GAMEPLAY
Criblé de défauts! Les adaptations domestiques assouplissent et étendent le gameplay, en particulier sur Megadrive; le jeu me semble assez bien en phase avec la machine et son contrôleur à 3 boutons. Quelle que soit la version, cependant, le problème principal demeure: un moteur de combat approximatif et frustrant.

AU FINAL 
Fatal Fury, c'est un titre marquant, et d'une grande valeur aux yeux des fans de SNK, des historiens de la baston, et des collectionneurs - mais ce n'est pas à proprement parler un très bon jeu. Les versions SFC et MD sont toutes deux de bonnes adaptations... Mais de bonnes adaptations d'un jeu pas très bon...
Un jeu au final aussi indispensable pour les uns que totalement inintéressant pour d'autres.

2 commentaires:

  1. Trés bon test merci! je me retrouve très bien dedans.
    J etait pourtant un bon fan de street fighter 2 premier du nom ,
    mais a chaque fois que je voyais fatal fury sur un borne,
    j avais une irrepressible envie d y jouer.
    c était l univers le background plus "cool" même si je derouillais severe du fait du gameplay...
    du coup il y a un truc mystique avec ce jeu que j ai eu sur tout les supports aussi , et tu l as bien décrit ;)

    RépondreSupprimer
  2. Merci Blackiguane 8)
    C'est marrant, ton commentaire tombe en pleine période où je me tâte à acheter un exemplaire supplémentaire du jeu... J'ai un peu honte, j'avoue... Mais ce jeu-là, il est vraiment ancré à l'arrière de mon cervelet je crois.

    RépondreSupprimer