mardi 21 février 2017

Double Dragon

Double Dragon (Technos)
Test de Double Dragon sur Neo Geo (Technos, 1995)
Sortie originale: Arcade (1995)
Adapté sur Playstation
Emulé commercialement sur: ???
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Des jeux video adaptés au cinéma... Quand ça a commencé à arriver, c'était bien un signe que les temps changeaient.
1993, Super Mario Bros ; 1994, Street Fighter; 1995, Mortal Kombat...
On s'en souvient avec un sourire pas forcément que nostalgique!

Du concentré!

On oublie souvent par contre que Double Dragon a eu droit lui aussi à son film en 1994, et même bouclé la boucle en ayant son jeu video tiré du film tiré du jeu video l'année d'après.
A l'époque, contrairement aux franchises précitées, celle de Technos était loin d'avoir le vent en poupe. Après la folie furieuse des premiers temps, la série a connu au mieux le flottement, au pire l'horreur. 
En 1994, c'en était même devenu carrément embarrassant. Cette année-là, surfant sur la longue vague du versus fighting, Double Dragon V: The Shadow Falls sortait sur 16bit... et Jaguar (sic). Un bête jeu de baston laid torché par un studio étoile-filante à destination du marché américain, où était alors diffusée une série animée très librement inspirée de l'univers du jeu. Il en reprenait les concepts, les personnages et le style graphique affreusement tartignolles pour chtis nenfants qui baffrent leurs céréales devant la télé du samedi matin.

"Et si on adaptait ça en Versus Fighting sur Jaguar, vous en diriez quoi?" - "Super idée Bobby!"

De l'exploitation foireuse d'exploitation foireuse, en somme.
A ce moment-là, Double Dragon et Technos, moi je n'en n'attendais plus rien.
Je crois que personne, à vrai dire, n'en attendait plus rien.

Et pourtant, Double Dragon VI est bien arrivé l'année d'après, sur les traces marronnasses d'un nanard de compétition dont la sortie en salles n'avait pas dû beaucoup aider à redorer le blason de la série.

Fan service pour ceux qui ont vu le film: Billy se transforme en devant la Dragomobile!

Connaissant le contexte-là, il y avait gros à parier que ce Double Dragon, tiré du film pour tenter de se faire une place en arcade, s'inscrirait dans ce que cette triste logique de Double Dragon-xploitation a eu de pire. 
D'autant que les critiques, peut-être d'ailleurs encore plus dans les tests rétro que d'époque, ne sont souvent pas tendres avec lui.

Jugez plutôt:
"A réserver aux bourrins débutants" - Player One
"Un très bon divertissement, mais qui n'apporte rien de neuf" - Joypad
"Vaguement divertissant pendant une dizaine de minutes" - GameFAQs
"Une très belle pièce dans une collection, mais une vraie merde en tant que jeu de baston sur Neo Geo..." - NeoGeoKult
"Ce jeu ne casse pas de briques" - NeoGeoFans
"Gardez votre argent pour autre chose. Il y a beaucoup de bien meilleurs jeux dans le genre sur Neo Geo" - Neo-Geo.com
"Un spin-off décent, mais très moyen en tant que jeu de combat des 90's" - TheFightersGeneration
"Un jeu trop moyen pour se distinguer vraiment face à tant de concurrence, mais qui pourra plaire à certains joueurs avertis." - Neo Geo Spirit

Les quelques avis plus positifs sont minoritaires:
"Il est mal fringué, ce Double Dragon, mais il a une bonne bouille." - GrosPixels
"Un des jeux de combat les plus sous-estimés de la logithèque Neo Geo" - NeoGeoForLife

Et je serais plutôt de ceux-là!

Car ce titre, l'avant-dernier produit par Technos avant de mettre définitivement la clé sous la porte, s'avère être tout sauf honteux.

Les frères Lee font du skate, du breakdance, et des dragons bleus.

Du film, il hérite de nouvelles interprétations plus ou moins heureuses de personnages classiques (les frères Lee, Marian et Abobo), un nouveau grand méchant (Shuko), auxquels viennent heureusement se greffer quelques revenants de la série (Burnov de DD2, Duke de Return of DD) ainsi que des nouveaux venus inédits et plus ou moins inspirés (Rebecca, Eddie, Dulton, Cheng Fu, Amon). 

Le stage de Marian (qui est hideuse) est une salle d'arcade diffusant des images du film. Les poètes seront séduits.

Disons-le tout de suite, ce casting est le gros point faible du jeu. La douzaine de personnages offre pourtant une belle diversité de profils, et constitue un ensemble assez complet, cohérent, et suffisamment original pour ne pas donner l'impression d'avoir déjà été joué. Le problème ne se situe pas là, mais dans le character design et leur réalisation: tous ces pov'bonhommes n'ont pas été également gâtés par la nature. Que ce soit dans le trait, l'anatomie ou l'animation, certains (Dulton, Eddie, Marian) donnent vraiment l'impression d'être à la ramasse par rapport aux personnages stars que sont les frères Lee, Abobo et Burnov. 

Cette incarnation d'Abobo réussit à faire référence à l'original comme à celui du film, avec un bon zeste de Ken le survivant.

Il en va un peu de même pour les décors et musiques, parfaitement excellents pour certains, beaucoup plus quelconques pour d'autres. Pour autant, je ne dirais sûrement pas que c'est un jeu techniquement raté – on reste dans les standards plutôt élevés de la production destinée à l'arcade, et on voit bien qu'il y avait un certain nombre de talents à la manoeuvre. Je dirais plutôt qu'il fait prendre conscience du niveau d'excellence que les ténors du genre avaient atteint à l'époque. Clairement, en 95, il commençait à falloir avoir les reins sacrément solides pour suivre l'escalade de la baston en 2D à laquelle se livraient encore Capcom et SNK. 

"Cannonball!" - Burnov, son stage et sa musique n'ont pas été loupés non plus!

Là où le jeu m'a surpris très agréablement, en revanche, c'est dans son gameplay. Contre toute attente, DD6 n'offre pas une énième déclinaison approximative d'une partition déjà maintes fois jouée par la concurrence, mais parvient à distinguer son système par de petites originalités qui, sans être follement renversantes, suffisent à donner aux parties un rythme et une approche qui leurs sont propres.

CHPOC! La manchette bleue du diable d'Abobo traverse les projectiles ennemis - Rebecca va donc voir 36 chandelles!

Il fait la part belle à l'offensive, à la feinte, à l'esquive, à la précision, aux Supers qui sortent facilement, à l'excitation et aux retournements de situation qui vont avec. Surtout, la mayonnaise prend, et à deux joueurs les sticks ont vite fait de coller aux mains. De quoi y réfléchir à deux fois avant de renvoyer aux oubliettes un versus fighting qui a toutes les apparences du nanar, mais se révèle être tout sauf un produit bâclé.


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En Bref

VISUEL
Le tableau est très inégal, mais on ne peut pas dire que le jeu soit vilain; au contraire il offre même quelques effets très réussis. Le comparaison à la production arcade de l'époque n'est en revanche pas des plus flatteuses et montre combien on avait changé de braquet à la moitié des années 90.

AUDIO
Les bruitages sont excellents, même si certains sont un peu surprenants au début. Musicalement, la qualité sonore est irréprochable, et très hétéroclite dans les compositions, qui vont du relativement quelconque à l'excellent, et mêle morceaux atmosphériques, grosse guitare et simili-chiptune endiablé.

GAMEPLAY
Personnages fortement caractérisés, interactions bien pensées, commandes précises, combats dynamiques... Le jeu est très bien conçu; accessible, il dévoile cependant pas mal de profondeur. 

AU FINAL 
Ce Double Dragon-là est une bonne surprise! On peut lui reprocher que certains concepts n'aient pas été affinés, que la réalisation ne soit pas au niveau des meilleurs titres de l'époque, ou qu'un grain de folie supplémentaire n'emballe pas encore davantage le tout... Il n'en demeure pas moins un jeu de Versus Fighting aussi solide qu'amusant, et qui présente suffisamment de singularité pour mériter qu'on s'y intéresse.


Allez, un petit coup de pouce, il le vaut bien!

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