jeudi 16 avril 2015

L'odyssée des jeux de baston - partie 1: les jeux de baston "à plat"

Commençons notre dossier sur la grande et belle famille des jeux de baston (ou beat them up / beat them all) par sa branche la plus primitive: celle des jeux de baston dits « à plat ». En d’autres termes, les émanations directes de Kung Fu Master, celles mettant en scène sur un seul plan un héros castagnant les floppées d’ennemis que lui envoie le scrolling horizontal.

On les distinguera des jeux de baston que l'on dira "en profondeur" (ceux qui autorisent le déplacement vertical; les Double Dragon et autres Final fight) ou "en Versus" (les Street Fighter et assimilés).

Leurs caractéristiques courantes sont les suivantes :
- un scrolling quasi exclusivement horizontal, de la gauche vers la droite.
- des sprites plus gros que la moyenne. 
- un combat essentiellement au corps à corps. 
- des armes et/ou power up qui en jettent. 

Chronologie comparative des 3 branches de la baston. Âge d'or estimé en jaune.
La recette est vraiment limitée et on en fait vite le tour, mais c’est relativement accessoire pour les développeurs. Car à la base, la baston à plat, c’est un genre typique de l’arcade de la fin des années 80. Ce qui importe en premier lieu c’est d’attirer le joueur à la borne, et de l’y faire lâcher quelques ronds, le temps que son train arrive ou qu’il finisse sa chopine. 
Pour ça, ce qui prime, c’est l’aspect visuel, le « cool factor » et le défoulement à court terme. 
Et à l’époque, la résolution qu'on peut espérer afficher, elle est de l'ordre du 320x224... Avec ça, si on veut impressionner et mettre un petit peu de détail graphique, les personnages se doivent d'être grands. 


Il faut des gros sprites...

Les gros sprites, ça impose des compromis en termes techniques comme en termes de jouabilité, mais qui se concilient assez bien avec ce genre bête et méchant. 
L’association fonctionne, et dans les salles d'arcade les « jeux de baston à gros sprites » deviennent un genre à part entière, porté notamment par Taito (Gladiator, Hiryu No Ken, Rastan Saga 2, The Ninja Warriors…). 

Cultissime! Mais jamais porté sur console 16 bit, allez savoir pourquoi...

Sur consoles 16 bit, on avait beau espérer davantage d’intérêt sur le long terme quand on investissait ses précieux ronds dans une coûteuse cartouche, ça n’empêcha pas le genre de prospérer. 
Parce qu’à l'époque, à défaut de proposer une expérience ludique mémorable, les jeux de baston à gros sprites représentaient un peu le bond technologique à la 4e Génération, le fossé graphique qui les séparaient des 8 bit. Certains de ces jeux, comme The Kung Fu sur PC Engine ou Altered Beast sur Megadrive (qui était le premier pack in game de la console) leur ont d’ailleurs servi de vitrine graphique à leurs débuts. L’arcade à la maison, ça y était, on la touchait du doigt ! Et le gros nase qui n'avait qu’une NES ou une Master System, comment on allait trop se foutre de sa gueule avec notre magnifique Last Battle...


Parce que ça, voyez-vous, c'est Altered Beast, mais sur NES. C'est assez pas beau, quand même.


... et une petite garniture (ou pas)

Reste que ça faisait court, comme programme, « des gros pains et des gros sprites »… La plupart des jeux tentaient d’offrir un peu de variété, ou du moins un trait distinctif, avec ce que permettait cet unique plan. En permettant le jeu à deux (Bad Dudes Vs Dragon Ninja), en introduisant un peu de plate-formes (Rastan Saga 2), en scénarisant et variant le rythme des séquences (Splatterhouse), ou en alternant les phases de jeu (Genpei Toumaden)… Mais l’un dans l’autre, le genre a essentiellement produit des nanars répétitifs, et s’est avéré moins riche et porteur que celui des « jeux de baston en profondeur » (ceux du tonneau de Renegade, Double Dragon, et Final fight). A défaut d’une foultitude de bons jeux, il nous aura malgré tout offert des spécimens vraiment caractéristiques d’une époque (y compris thématiquement parlant!), avant de progressivement s’effacer avec la fièvre du VS Fighting

 

___________________________________________________________________________

 

Le titre représentatif 

Sur nos 16 bit, l’exemple le plus parlant, c’est à mon sens Vigilante. 
A ma gauche, un Bruce Lee des villes en salopette, à ma droite des sales punks. Le Bruce Lee avance inlassablement vers la droite jusqu’à la fin du niveau, et ça recommence – pas un pixel ne bouge à la verticale. 
2 boutons sont utilisés : coups de poings, coups de pied ; la direction haut sert à sauter. De temps à autres, le héros trouvera sur son chemin un nunchaku pour défoncer le pif des méchants. 
C’est on ne peut plus classique dans la formule mais aussi dans le thème puisqu’on a en plus droit à l’histoire de la bonne femme kidnappée par les sales punks – en fait, mieux que les sales punks : les « skinheads »! 



Le jeu est sorti en 1988 en arcade, et c’est à peine croyable tellement on a l’impression d’avoir affaire à un titre fondateur - alors que c’est juste l’incarnation tardive et flemmarde de la quintessence du genre. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un certain charme, parfaitement retranscrit sur PC Engine.


Et vous trouvez ça drôle?

D’ailleurs, je crois qu'on peut dire que c’est une autre caractéristique du genre : pas mal de ces jeux sont des moitiés de daubes pour lesquelles on conserve néanmoins une certaine sympathie. Enfin... Si on n'a pas le douloureux souvenir d'y avoir englouti ses économies en les payant plein pot à l'époque de leur sortie, je suppose. 
Aujourd'hui, à condition de pouvoir se les procurer pour "pas cher" (ce que chacun définira selon ses moyens) et donc de ne pas être parasité par le regret d'avoir claqué trop de blé dans un titre foireux, les amateurs de nanars pourront apprécier leurs qualités là où elles sont.


Les daubes notables qu’on aime bien quand même...

 

Hokuto No Ken / Last Battle, SEGA, Megadrive 
Pas si pourri qu’on veut bien le dire... Mais pas bien brillant quand même, il faut reconnaître. 
Sprotch!

Eight Man, SNK, Neo Geo 
Un Robocop-Bioman qui pète des gueules, c’est rigolo... Bon, d’aucuns diront que ça fait cher la connerie, en cartouche AES. 
Eight Man. C'est de l'anglais. Ca veut dire "homme huit".

The Ninja Warriors, Taito, PC Engine 
Des ninjas cyborgs, super ! Pas de doute, on est bien en 1987. 
Oh...! Le... Le ninja... C'est un terminator, en dessous!!!

...bien que certaines nécessitent un goût pour le nanar assez prononcé

 

The Kung Fu, Hudson Soft, PC Engine 
Un peu comme Vigilante, mais en plus basique, pour situer. 
Après avoir castagné les moines et envoyé les moustiques à l'hôpital, Bruce Lee affronte un moustachu. Quel niveau 1!

Genpei Toumaden 1 & 2 / Samourai Ghost / Equinox Warrior, Namco, PC Engine 
Ambiance fantasy nippone très chouette, mais faut pas être trop exigeant sur le reste.
Le 1er volet alterne les séquences gros sprites avec d'autres perspectives. Le 2e est 100% gros sprites.

Rastan Saga 2, Taito, PC Engine & Megadrive 
Cocasse de nullité, mais encore vaguement jouable. A petites doses, quand même! 
Admirez les belles hanches de Rastan quand il tient sa grosse épée à pleines mains!

Le titre vraiment trop merdique 

 

Sword of Sodan, Electronic Arts, Megadrive 
Un nanar tristement célèbre - mais d’une nullité même pas spécialement drôle !
Affreux-affreux-affreux... Ayons une pensée pour les chtis nenfants traumatisés qui l'ont eu à Noël - il y en a forcément.

Les titres qui sortent du lot 

 

Altered Beast, Sega, Megadrive & PC Engine. 
Un des classiques du genre ; le « Rise from your grave » du début du jeu est passé à la postérité. 
Combien de fois on l'aura vue en photo, cette confrontation? Ben ça fait une de plus.

2 Crude Dudes, Data East, Megadrive 
Le fils spirituel du monumental Bad Dudes Vs Dragon Ninja, malheureusement jamais adapté sur consoles 16 bit. 
Yo, admirez le style. Les mecs de Data East c'étaient vraiment des super cadors!

Splatterhouse 1 & 2, Namco, PC Engine & Megadrive. 
Derrière la gore-sploitation, deux vrais bons jeux. 
Proutch contre le mur, trop bien!

The Ninja Warriors Again, Taito, Super Famicom 
Le retour des ninjas cyborgs, sept ans après. Dommage, la cartouche atteint une cote débile...
Terminons avec des nunchakus. On devrait toujours terminer avec des nunchakus. Surtout si on a commencé avec des nunchakus. Ca donne un effet poétique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire